Selmayrgate : la Commission reconnait avoir menti

C'est officiel : la Commission a menti à la presse. Depuis que j'ai révélé que Martin Selmayr avait été nommé secrétaire général de l'exécutif européen, le 21 février, en tordant, si ce n'est en violant, le statut des fonctionnaires européens, le service du porte-parole (SPP) a soit refusé de répondre aux questions des journalistes en affirmant que la procédure avait été suivie « religieusement », soit livré des demi-vérités, soit carrément menti.

Ainsi, mardi dernier, Alexander Winterstein, le porte-parole adjoint de la Commission, a affirmé qu'il y avait « plusieurs candidats » au poste de secrétaire général adjoint, la première étape qui a mené le chef de cabinet de , le président de l'exécutif européen, au poste de secrétaire général. Pressé par les journalistes, il a ensuite précisé « moins de quatre ». Puis enfin, « deux ». Selon mes informations, il n'y avait effectivement qu'une autre candidate, car il fallait que ce soit une femme pour que l'appel à candidatures soit clôturé valablement. Mieux, il s'agissait de Clara Martinez, la cheffe adjointe de cabinet de Selmayr. Autant dire qu'il s'agissait d'une candidature bidon. Ce que j'ai confirmé samedi, en révélant qu'elle avait même retiré sa candidature dès l'appel d'offres terminé. Aujourd'hui, par un courriel envoyé à quelques-uns de mes collègues, le SPP, le reconnaît désormais officiellement : « je confirme que le second candidat a retiré sa candidature avant la fin de la procédure et qu'il ne s'est donc pas entretenu avec le commissaire Oettinger », le commissaire responsable de l'administration.

Un mensonge, c'est déjà d'une gravité extrême puisqu'une administration publique doit rendre des comptes aux citoyens, être transparente et respecter scrupuleusement l'esprit et la lettre de ses règles de fonctionnement. Ce mensonge délibéré ne peut créer qu'une forte défiance à l'égard d'une administration qui se considère au-dessus des lois.

Pire : selon l'un de mes collègues d'un grand quotidien allemand, le SPP a encore été plus loin dans l'infox (c'est mieux que ). Une porte-parole lui a montré un projet de procès-verbal de la réunion du collège des commissaires du 21 février, celui-là même qui a promu deux fois en une minute Selmayr. Ce document provisoire affirmait que les commissaires auraient « comparé les mérites des candidats » au poste de secrétaire général adjoint ! Ce qui pénalement est un faux en écriture publique. Il est d'ailleurs pour le moins curieux que ce PV ne soit toujours pas finalisé.

Autre mensonge du SPP: la semaine dernière, Alexander Winterstein affirmait que c'était Selmayr qui avait choisi la procédure « longue » pour être nommé secrétaire général (c'est-à-dire en passant par la case secrétaire général adjoint) puisque selon lui, il aurait pu être directement parachuté dans le poste en tant que chef de cabinet depuis deux ans (ce qui est faux, comme je l'ai montré dans mes articles précédents). Lundi, Margaritis Schinas a affirmé que c'est le commissaire Oettinger en charge de l'administration qui a choisi la procédure, ce qui est tout aussi faux: c'est le 20 février au soir qu'il a découvert que Selmayr était candidat lorsqu'il s'est présenté dans son bureau pour l'entretien préalable absolument incontournable!

On mesure là à quel point le petit groupe de hauts fonctionnaires qui dépendent de Selmayr a totalement perdu pied avec la réalité.

Ce midi, lors du point de presse, j'ai posé toute une série de questions complémentaires sur cette affaire : aucune n'a obtenu de réponse et je ne parle même pas des leçons de morale auxquelles j'ai eu droit (c'est ici). Néanmoins, poussé dans ses retranchements, Margaritis Schinas, le porte-parole de , a au moins reconnu que ce ne sont pas les États qui décideront si les anciens commissaires bénéficieront d'une voiture avec chauffeur, d'un bureau et de deux assistants, mais la Commission seule… Il avait tenté auparavant de discréditer mes révélations de samedi en mélangeant sciemment l'indemnité de transition avec ces avantages en nature !

Seul le Parlement européen peut ramener à la raison le bateau ivre qu'est devenue la Commission : les Verts, la gauche radicale de la GUE, les eurosceptiques de l'ECR et, désormais, les libéraux ont demandé l'inscription du cas Selmayr à l'ordre du jour de la session plénière qui aura lieu la semaine prochaine. Les socialistes ont décidé ce mardi soir d'appuyer cette motion. Au sein même du PPE, beaucoup de députés s'étranglent devant l'arrogance et le mépris affiché par Juncker dans cette affaire.

 

Source : Libération

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