Le conflit au Yémen rentre ce 8 juillet dans sa cinquième année

Le conflit au Yémen rentre ce 8 juillet dans sa cinquième année. Les Yéménites souffrent de la famine et de maladies, quand ils ne sont pas victimes des bombardements. Le conflit a plongé le pays dans la pire crise humanitaire du monde, selon les Nation unies.

Cinq ans de guerre au Yémen, les clés pour comprendre le conflit

Le Yémen est en proie depuis cinq ans à un conflit complexe, où se superposent des enjeux communautaires, religieux, politiques et internationaux.

Cette guerre, qui oppose depuis l’été 2014 la rebéllion chiite «houthie» au gouvernement du président Abd-Rabbo Mansour Hadi, soutenu par une coalition militaire menée par l’Arabie Saoudite, a fait des dizaines de milliers de morts et plus de trois millions de déplacés, selon différentes agences de l’ONU.

Pour comprendre les origines du conflit, il faut remonter quelques décennies en arrière. Le Yémen ne s’est unifié qu’en 1990, après avoir été divisé, pendant la Guerre froide, entre une «République démocratique populaire», d’obédience socialiste, au Sud, et une «République arabe», au Nord. Après la réunification, l’État central a eu d’autant plus de mal à s’imposer que de nombreuses tensions communautaires existaient déjà à l’intérieur même des deux blocs. 

Un pays jeune et instable

La principale «minorité» religieuse du pays, les zaydites, conteste le pouvoir de Sanaa. Le zaydisme, une branche de l’islam chiite, est la religion d’environ 40% de la population yéménite. Dès les années 1990, des militants issus de cette communauté se sont organisés autour du chef religieux Hussein Badreddine al-Houthi, qui a par la suite donné son nom au mouvement.

En 2004, les houthis, estimant être mis à l’écart de la vie politique et économique du pays,  déclenchent d’importantes manifestations à Saada, dans le nord. Les contestataires sont durement réprimés. Hussein Badreddine al-Houthi est tué par les autorités. Mais l’insurrection perdure, et les houthis s’emparent peu à peu de plusieurs territoires montagneux du nord du pays, avant de s’étendre le long de la frontière saoudienne. 

C’est alors qu’interviennent les «Printemps arabes». Dans le sillon des mouvements de révoltes survenus en Tunisie et en Égypte, des Yéménites de tout bord se rebellent contre le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de 30 ans (il dirigeait déjà le Yémen du Nord avant la réunification). Le dirigeant, contre lequel se sont longtemps battus les houthis, accepte en 2012 de céder le pouvoir à son vice-président, Abd-Rabbo Mansour Hadi.

Mais le nouveau découpage fédéral proposé à l’issue de ce «printemps yéménite» ne convient pas aux insurgés chiites. Ils revendiquent une région qui leur soit propre, dotée d’un accès à la mer. En 2014, les houthis reprennent donc leur insurection et entrent dans la capitale, Sanaa. 

L’internationalisation du conflit

Dès 2009, l’Arabie Saoudite, inquiète de voir l’insurection chiite des houthis progresser le long de sa frontière, avait procédé à des frappes contre leur position. Six en plus tard, en 2015, lorsque les houthis s’emparent du palais présidentiel à Sanaa, et poussent Abd-Rabbo Mansour Hadi à prendre la fuite, Ryiad déclenche son opération «Tempête décisive». A la tête d’une coalition de neuf pays arabes, l’Arabie Saoudite mène une violente campagne aérienne, qui dure encore aujourd’hui, contre les houthis, qu’elle accuse d’être soutenus par l’Iran. 

Cette thèse d’une guerre indirecte entre Riyad et Téhéran sur le territoire yéménite est avancée par de nombreux observateurs. Toutefois, «si l’appartenance des houthistes à une galaxie pro-iranienne (…) ne fait guère de doute, les ressorts de la guerre au Yémen ne peuvent être réduits à cette dimension régionale et à la rivalité entre sunnisme et chiisme», précise le chercheur Laurent Bonnefoy dans son livre Le Yémen, de l’arabie heureuse à la guerre (Fayard, 2017).

Des belligérants «annexes»

D’autres affrontements se superposent à celui qui oppose les houthis et la coalition menée par l’Arabie Saoudite. Le premier d’entre eux concerne les jihadistes d’al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA), qui ont profité de l’instabilité du pays depuis sa réunification pour s’implanter. Cette branche est considérée par les Etats-Unis comme la plus dangereuse du réseau. C’est notamment elle qui a revendiqué l’attentat contre Charlie Hebdo, en France, en 2015. Le terroriste Saïd Kouachi avait d’ailleurs effectué un séjour au Yémen. 

Et al-Qaida n’est pas le seul groupe jihadiste à sévir dans le pays. Depuis la fin de l’année 2014, le Yémen a également vu s’implanter Daesh, qui commet régulièrement des attentats. Le 24 février dernier, une double attaque-suicide revendiquée par le groupe terroriste a ainsi fait 12 morts à Aden. 

Enfin, en plus des houthis et des différentes factions jihadistes, le pouvoir yéménite est contesté par une entité séparatiste, dans le sud du pays. Si celle-ci a, dans un premier temps, soutenu l’État central contre les insurgés chiites, elle affirme désormais ses ambitions indépendantistes. Depuis la fin du mois de janvier 2018, c’est le mouvement sudiste qui contrôle Aden. Le président Abd-Rabbo Mansour Hadi, exilé en Arabie saoudite, dénonce un coup de force. 

Famine et choléra frappent le pays

Avant même le début de la guerre, le Yémen se classait au 160e rang mondial sur 186 en terme de développement. Le pays n’avait pas entamé sa transition démographique, et plusieurs régions souffraient régulièrement de pénuries d’eau. 

La guerre a aggravé la situation, jusqu’à un stade catastrophique. Les belligérants entravent l’aide humanitaire, alors que près de la moitié des 27 millions d’habitants de ce pays, très dépendant de l’importation, sont menacés de famine. Les destructions subies par le système sanitaire, dans une région qui manque déjà d’accès à l’eau, ont en outre déclenché une épidémie de choléra, qui a touché près d’un million de personnes en 2017. Plus de 2 000 en sont mortes. 

Les victimes de la faim, des maladies et de la misère n’entrent pas dans le décompte des morts causées par la guerre. Elles sont pourtant en lien direct avec celle-ci, au point que plusieurs ONG accusent les différentes parties d’entretenir et d’instrumentaliser cette catastrophe humanitaire.

La communauté internationale entre silence et ventes d’armes

Officiellement, aucune manoeuvre n’est faite par la communauté internationale pour endiguer le conflit, et ralentir le nombre de morts, alors que l’ONU pointe régulièrement les problèmes de famine ou de santé. «Il faut que la communauté internationale dise ça suffit. Il n’y aura pas de vainqueur dans cette guerre», lâchait Jean-Yves Le Drian en novembre 2018. Mais depuis, les membres de la communauté internationale ont rencontré à plusieurs reprises les belligérants, du côté saoudien, émirati ou iranien, sans que la situation n’avance dans le sens d’une paix prochaine. 

Au contraire. En avril 2019, le nouveau média d’investigation Disclose a révélé la présence d’armes françaises au Yémen, alors qu’elles avaient été vendues à l’Arabie Saoudite ou aux Émirats arabes unis. Les preuves, comme des photos ou des vidéos, contredisent alors la version officielle du gouvernement, qui assurait que ces armes ne serviraient qu’à la défense intérieure de l’Arabie Saoudite.

Source : CNEWS

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