Arbitrage Adidas-Crédit Lyonnais : Bernard Tapie et Stéphane Richard relaxés

Stéphane Richard, actuel PDG d’Orange et ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde au moment de l’arbitrage, est lui aussi relaxé.

Bernard Tapie relaxé. Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement, mardi matin, plus de dix ans après l’arbitrage controversé ayant octroyé 403 millions d’euros à l’homme d’affaires pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais.

Pour le tribunal, « aucun élément du dossier ne permet d’affirmer » que cette sentence, définitivement annulée au civil, « ait été surprise par la fraude ». Le jugement précise : « Le tribunal estime que la preuve que Bernard Tapie ait mandaté Maurice Lantourne (son ex-avocat, ndlr) à se concerter avec Pierre Estoup (l’arbitre ndlr) n’est pas rapportée. Bernard Tapie a fait preuve d’un activisme important auprès de personnels politiques. Mais il n’est pas rapporté la preuve qu’il ait activé ses réseaux pour que des instructions soient données à qui que ce soit », notamment à Stéphane Richard et aux deux hauts fonctionnaires de Bercy Jean-François Rocchi et Bernard Scemama.

« Les éléments constitutifs du délit d’escroquerie ne sont pas caractérisés », a ainsi déclaré la présidente Christine Mée, qui n’a pas retenu l’infraction de « détournement de fonds publics » ou de « complicité » de ce délit.

« Bernard Tapie est très, très ému »

Les juges ont donc prononcé la relaxe du patron du groupe de médias La Provence, qui subit à 76 ans une récidive de son double cancer de l’œsophage et de l’estomac et qui était absent au délibéré.

Son avocat, Hervé Temime, a estimé qu’« aujourd’hui, le tribunal a rendu avec une indépendance rare un jugement d’une netteté exceptionnelle et c’est pour nous […] une immense satisfaction et une grande libération ».

Il a envoyé un SMS à Bernard Tapie durant l’audience pour lui annoncer sa relaxe : « Il est très, très ému. La certitude qu’il avait raison était si grande chez lui que ça a été une joie extraordinaire. Dans cette procédure pénale, nous avons été les dindons de la farce. Elle n’a été faite que pour alimenter la procédure civile (où la fraude a été retenue et Bernard Tapie condamné à rembourser, ndlr). » Alors que la procédure pourrait se poursuivre si le parquet fait appel, Hervé Temime conclut : « Le match n’est pas fini, mais Bernard Tapie savoure l’instant. »

Relaxe générale pour les six prévenus

Le tribunal a également relaxé l’actuel PDG d’Orange Stéphane Richard, qui était poursuivi pour « complicité » en tant qu’ancien directeur de cabinet de l’ex-ministre de l’Économie Christine Lagarde, condamnée elle fin 2016 pour « négligence » par la Cour de justice de la République.

La sentence du tribunal arbitral a été définitivement annulée au civil en 2015 pour « fraude » et Bernard Tapie a été condamné à restituer les millions perçus. Il s’était vu accorder en juillet 2008 par ce tribunal arbitral privé la somme inédite de 45 millions d’euros au seul titre du préjudice moral, pour réparer la « faute » de l’ex-banque publique lors de la revente de l’équipementier sportif Adidas.

Le parquet avait requis le 1er avril des peines d’emprisonnement contre cinq des six prévenus. Cinq ans de prison ferme avaient été notamment demandés contre Bernard Tapie et trois ans d’emprisonnement dont 18 mois ferme contre Stéphane Richard.

Source : Le Parisien

Arbitrage du Crédit lyonnais : jugé pour escroquerie, Bernard Tapie relaxé

L’ancien ministre et homme d’affaires était soupçonné d’entente avec les juges du tribunal arbitral privé qui lui avaient accordé 403 millions d’euros en 2008. Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a lui aussi été relaxé.

La lecture faite à l’audience de la motivation du jugement dans l’affaire Tapie, mardi 9 juillet, est une défaite complète pour l’accusation et donne raison à la défense qui avait plaidé la relaxe de l’ensemble des prévenus. « Bernard Tapie n’a commis aucune infraction, avait dit Me Hervé Témine. Bernard Tapie n’est pas un escroc. Aucune infraction pénale n’a été commise dans cette affaire, je vais vous le démontrer. La lourdeur des peines [cinq ans d’emprisonnement ferme ont été requis contre l’homme d’affaires] ne supplée pas l’absence de preuves. Les qualifications d’escroquerie et de détournement de fonds publics ne tiennent pas : il n’y a pas dans ce dossier de manœuvres frauduleuses démonstratives d’une escroquerie. »

Le tribunal démonte en effet la thèse du parquet selon laquelle l’escroquerie reprochée aux prévenus trouvait son origine dès le choix d’entrer en arbitrage. « Il est démontré que les instances judiciaires et la recherche d’une solution alternative négociée ont toujours coexisté. Par ailleurs, il a toujours été considéré qu’il existait un aléa judiciaire important et un risque financier pour l’Etat, ce qui revient de facto à admettre que Bernard Tapie pouvait prétendre à se voir indemniser d’un préjudice », relève le tribunal.Par conséquent et contrairement à l’accusation qui estimaitque « le préjudice allégué de Bernard Tapie constituait le mensonge originel de l’escroquerie », les juges considèrent que « ce préjudice ne peut pas être par principe qualifié d’inexistant ».

Les accusations de « manœuvres frauduleuses » écartées

Le tribunal écarte donc l’idée selon laquelle le choix de se lancer dans une procédure d’arbitrage pour régler cette affaire présentait en soi un caractère suspect. Il observe que le recours à l’arbitrage est « tout à fait légal, se justifie au vu des aléas judiciaires et de la durée de la procédure, qu’il n’est pas contraire aux intérêts de l’Etat et qu’il a été assumé par les pouvoirs publics. » Il donne en cela raison à l’ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, Stéphane Richard, qui, lors d’un vif échange avec le procureur à l’audience s’en était pris implicitement à l’idéologie qui, selon lui, sous-tendait la thèse de l’instruction et de l’accusation : « Vous partez du principe que l’arbitrage, c’est mal, c’est nuisible. Pour vous, l’arbitrage, c’est une escroquerie. » Or, avait-il observé, plaidé, l’arbitrage a été une décision politique : « Le pouvoir considérait à l’époque que ce n’était pas une mauvaise solution et qu’il fallait essayer. »

Sur la mise en place de l’arbitrage, les juges écartent toutes les accusations de « manœuvres frauduleuses » reprochées tant à Bernard Tapie qu’à son avocat Maurice Lantourne, à Stéphane Richard et aux présidents du Consortium de réalisation (CDR) – (la structure ad hoc chargée de gérer le passif du Lyonnais) et de son organisme de tutelle, l’Etablissement public de financement et de restructuration –, Jean-François Rocchi et Bernard Scemama. S’il relève l’activisme de Bernard Tapie auprès du pouvoir politique, le tribunal estime qu’« aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que la décision du tribunal arbitral a été surprise par la fraude ».

A propos de Me Maurice Lantourne, le jugement du tribunal vient en écho aux propos de Me Hervé Temime qui, dans sa plaidoirie, avait demandé: « Mais depuis quand la compétence et l’intelligence sont-elles devenues un délit ? » « Il n’y a pas de manœuvre à savoir manier habilement ses droits dans le cadre d’une stratégie judiciaire », indiquent les juges. Concernant Stéphane Richard, le tribunal souligne que « les griefs qui lui sont reprochés ne relèvent pas d’un comportement susceptible de revêtir une qualification pénale mais renvoient à une appréciation sur le bon ou le mauvais exercice de ses fonctions ».

« Aucun élément tangible »

Même l’ancien magistrat Pierre Estoup, que l’accusation avait qualifié « d’arbitre vendu à Bernard Tapie » est épargné par le jugement. Les juges observent que « le postulat d’un magistrat acquis à la cause de Bernard Tapie ne repose sur aucun élément tangible ». Ils estimentque ni la preuve de l’existence d’un courant d’affaires entre Pierre Estoup et Maurice Lantourne, ni celle d’une remise de fonds n’ont été rapportées. « Si l’on peut s’interroger sur le fait que Pierre Estoup n’ait pas jugé bon de révéler ses relations professionnelles avec M. Lantourne, cela n’en constitue pas pour autant une cause de récusation et encore moins des manœuvres frauduleuses constitutives d’une escroquerie », dit le jugement.

Sur l’arbitrage lui-même, qui a accordé 403 millions d’euros à l’homme d’affaires, dont 50 millions au titre du préjudice moral, le tribunal relève que les témoignages des deux autres arbitres, l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud et l’avocat Jean-Denis Bredin, « n’ont pas permis de rapporter la preuve que Pierre Estoup ait présenté le litige d’une façon univoque ou biaisée de manière à orienter systématiquement la solution dans un sens favorable à Bernard Tapie ». Cet arbitrage a, depuis, été annulé au civil par la cour d’appel de Paris en 2015, qui a condamné l’homme d’affaires à rembourser l’intégralité des sommes perçues.

En concluant sa plaidoirie le 5 avril, Me Temime avait dit au tribunal : « Vous n’êtes pas une chambre d’enregistrement. Il n’y a rien de pénal dans tout cela. La seule faute, si elle existe, est civile. On ne peut pas reprocher à un homme de faire de l’entrisme pour défendre un dossier auquel il croit. Si vous êtes indépendant, vous relaxerez Bernard Tapie. » Il a été suivi.

Source : Le Monde

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