Le premier ministre victorieux, menacé d’inculpation pour corruption, a promis ces derniers jours d’annexer les colonies de Cisjordanie.
Correspondant à Jérusalem
Trois ex-chefs d’état-major de l’armée israélienne ne sont pas parvenus à vaincre Benyamin Nétanyahou. Qualifiée parfois de parti des généraux, Bleu et Blanc, la nouvelle formation de centre droit de Benny Gantz, l’ex-chef d’état-major de Tsahal, a fait jeu égal avec le vieux Likoud. Elle ne parvient pas cependant à détrôner l’indéboulonnable chef du gouvernement. Le premier ministre, sortant qui jouait sa carrière politique entachée par des affaires judiciaires de corruption, a gagné son référendum. Il a réussi son pari. Son parti, le Likoud, progresse, obtenant au Parlement son meilleur score depuis seize ans.
Après le dépouillement de 97 % des suffrages, il rafle 35 sièges sur 120 à la Knesset dans ce scrutin à la proportionnelle. Soit le même nombre de députés que la formation de Benny Gantz. La différence de voix entre les deux formations est infime puisqu’elle est de quelques milliers de voix. Ces résultats confirment le clivage de la société israélienne et ses fractures géographiques. Jérusalem, la «capitale» politique non reconnue par le droit international, a voté massivement pour la droite et les partis religieux tandis que les villes de la périphérie du Sud soutenaient Benyamin Nétanyahou, dont le score est faible à Tel-Aviv, bulle libérale centriste et de gauche. Une gauche en pleine déconfiture dans le reste de ce petit pays. Le Parti travailliste, celui des pères fondateurs de l’État hébreu, n’obtient que 6 sièges, la pire performance depuis sa création, et le Meretz, le parti des colombes, va avoir au Parlement une représentation réduite à la portion congrue.
Israël penche résolument à droite. Avec cinq partenaires potentiels dans son camp, Benyamin Nétanyahou ne devrait pas se heurter à des difficultés insurmontables pour former son équipe gouvernementale dans les prochaines semaines. La bipolarisation des élections, qui ont été dominées par le duel entre le premier ministre au pouvoir depuis dix ans et son rival, ont poussé au vote utile. Si la gauche s’effondre, l’ultradroite ne progresse pas. Elle est même devancée par les formations religieuses. La Nouvelle Droite, dirigée par Naftali Bennett et Ayelet Shaked, s’approche mais ne franchit le seuil électoral de 3,25 % permettant d’avoir des élus à la Knesset. Quant aux libertariens messianiques, ils n’ont fait qu’illusion.
Cette configuration devrait décider le président Reuven Rivlin à confier dans les prochains jours à Benyamin Nétanyahou, qu’il n’apprécie pas, le soin de former le gouvernement. Le premier ministre sortant a célébré sa victoire en remerciant «le peuple» de lui avoir offert ce coup d’éclat «colossal» et «magnifique». Il devrait ravir en juillet le record de longévité au poste de premier ministre, détenu par David Ben Gourion, malgré ses ennuis judiciaires.
Son avenir va être jalonné par ses rendez-vous avec la magistrature. La première échéance est fixée au mois de juillet avec son inculpation attendue dans trois dossiers de corruption liés à des cadeaux offerts par des milliardaires, des accords litigieux passés dans le monde des médias et surtout des faveurs accordées dans le secteur des télécommunications. Il est également mis en cause sans être poursuivi dans une affaire de sous-marins vendus par l’Allemagne qui pourrait refaire surface. La loi ne l’oblige pas à démissionner mais ses déboires vont le fragiliser. «Ce nouveau gouvernement est facile à former, mais il y a un concurrent majeur qui est au coude-à-coude avec lui: c’est le procureur général d’Israël. Le début du cinquième mandat de Benyamin Nétanyahou est clair, mais il pourrait être le plus court», commente le politologue Reuven Hazan, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem.
Quelques jours avant le scrutin, Benyamin Nétanyahou a promis d’annexer les colonies israéliennes situées en territoire palestinien. Il a les coudées franches sur le plan intérieur pour s’engager dans cette voie et bénéficie du soutien inconditionnel des conseillers personnels de Donald Trump qui n’ont pas commenté son projet. Le président des États-Unis n’a d’ailleurs pas tardé à se féliciter de la performance de son ami. «On dirait que Bibi a gagné cette course! C’est peut-être un peu tôt, mais j’ai entendu dire qu’il l’a gagnée!», a-t-il déclaré. «Je pense que nous avons maintenant une meilleure chance d’aboutir», a ajouté Donald Trump en évoquant son plan de paix avec les Palestiniens dont le contenu devrait être bientôt révélé.
Un processus d’annexion unilatérale des implantations juives scellerait dans tous les cas de figure le sort d’un État palestinien indépendant coexistant avec Israël. Une solution que Benyamin Nétanyahou envisage seulement dans une configuration où le proto-État constitué par l’Autorité palestinienne accoucherait d’un État croupion. Le fameux plan de paix américain présenté par l’entourage de Donald Trump comme le «deal du siècle» serait dans ces circonstances rejeté d’office par la partie palestinienne qui a coupé les ponts avec Washington et Benyamin Nétanyahou. Les Israéliens «ont choisi pour les représenter un Parlement à écrasante majorité de droite, xénophobe et antipalestinienne», commente Hanane Achraoui, une haute responsable de l’OLP.
Source : Le Figaro