Moi, Mohamed, 14 ans, adhérent du Front national

Cet adolescent du Val-d'Oise se revendique comme le plus jeune adhérent du Front national. Julien, son ami, partage les mêmes valeurs. Rencontre.
 
 
 
 

Fan de Paranormal Activity, accro à Internet et à son smartphone, Mohamed ressemble à tous les adolescents de son âge. Ou presque. Cet élève de troisième se targue, à 14 ans, d'être le plus jeune adhérent du Front national. "C'est une fierté", s'enthousiasme-t-il, attablé dans un bar sans âme de Gonesse, une cité-dortoir du Val-d'Oise. Fils d'immigrés algériens, Mohamed vit dans le quartier de la Fauconnière, connu pour être "le plus chaud de la ville". Et c'est d'ailleurs cette "insécurité permanente" qui l'a poussé à adhérer au FN : "Je n'ai jamais été agressé, mais j'ai vu des gens l'être." 

À sa droite, Julien acquiesce. Élève de seconde, à 15 ans, il milite lui aussi pour le Front national. Et contrairement à Mohamed, le FN, c'est une affaire de famille. En lecteur averti, il ne jure que par La France orange mécanique, un essai de Laurent Obertone tendant à démontrer que la France évoluerait vers un climat de violence accrue. "Le chômage, l'insécurité, nous vivons ça au quotidien", se justifie-t-il. Avant de reconnaître que ses parents travaillent et qu'il habite un pavillon dans un quartier paisible…

"La France est une terre chrétienne"

Les deux amis se connaissent depuis qu'ils siègent ensemble au conseil municipal des jeunes de Gonesse. "Nous subissons des pressions du maire. Des élus refusent de nous serrer la main. Nous sommes victimes de diffamation", se plaint Mohamed. En revanche, dans son quartier, il promet que son adhésion au FN n'a rien changé. "Depuis un article du Parisien, ils le savent tous. Je n'ai jamais été menacé. […] Mes amis comprennent de jour en jour que Marine Le Pen n'est pas raciste." De son côté, Julien prétend "ne jamais avoir eu de retours négatifs. Mes amis le perçoivent plus comme un engagement politique que comme une adhésion au FN." 

Plus que l'insécurité, le retour au franc serait indispensable : "Nous devons revenir à notre propre monnaie, avance Mohamed. Nous ne pouvons rester passifs face à Bruxelles." Et quel souvenir garde-t-il du franc ? "Aucun, mes parents m'ont dit que c'était mieux." Déçus par le système éducatif, ils veulent réinstaurer le principe de méritocratie. "Pour des lycéens scolarisés en banlieue, c'est difficile d'aller dans une grande école", pointe Julien. D'une même voix, ils s'en prennent au peu d'intérêt porté à l'histoire de France, mais aussi à la réforme des rythmes scolaires dont le petit frère de Julien est "victime". Même la cantine ne trouve pas grâce à leurs yeux. "Moi, le halal, ça me dérange. La France est une terre chrétienne. Il faut respecter ses valeurs", s'emporte Mohamed, qui a pourtant grandi dans une famille pratiquant l'islam…

Contre l'avortement, pour la peine de mort

"À mon sens, l'avortement, c'est comme tuer un être vivant", embraye-t-il. "Cela ne doit pas être un moyen de contraception. Il fallait se protéger avant", poursuit son acolyte. Seule exception à la règle : le viol. Mais pas question d'installer des distributeurs de préservatifs dans les collèges. "Une association a déjà donné des capotes dans mon établissement. Les élèves se sont empressés de les gonfler", se souvient Mohamed. Gênés, ils finissent par concéder qu'ils ne connaissent pas grand-chose à la question. 

La peine de mort ? Les deux ados y sont favorables. "Ce n'est pas normal que des meurtriers n'écopent que de deux ans de prison", s'énervent-ils. Même sanction pour les pédophiles et les violeurs. "Certains hommes politiques auraient dû être condamnés à mort", lâche Julien. Qui donc ? "Daniel Cohn-Bendit", répond-il du tac au tac. Ses arguments ? Une vieille rumeur – déjà exhumée par François Bayrou – sur de prétendues relations troubles entre le député européen et des enfants. Dans le même registre, le lycéen souhaite que la France construise plus de prisons, conformément à la volonté de Marine Le Pen. Sa solution à la délinquance ? "La tolérance zéro", ricane-t-il.

Le Front national n'est pas raciste

"Le Front national n'est pas raciste. C'est un gros mensonge", s'agace Mohamed. À les entendre, le racisme aurait complètement disparu au FN. "On ne peut pas comparer le FN d'aujourd'hui avec celui d'il y a quarante ans. […] Nous sommes allés à la galette des Rois organisée par Marine Le Pen. À aucun moment, nous n'avons été rejetés par les militants pour notre couleur de peau. Les accusations de xénophobie, c'est pour faire le buzz", soutient Julien. Le fils d'immigrés algériens et le lycéen d'origine antillaise n'en démordent pas : ils incarnent la "nouvelle génération du FN".

Et ces deux-là comptent bien le prouver d'ici quelques années. Mohamed et Julien se rêvent en hommes politiques et s'imaginent déjà occuper l'Élysée le temps d'un quinquennat. "Il faut se fixer l'objectif le plus haut possible", s'enorgueillit Julien. À la tête de la France, il s'attaquerait d'abord au problème des agriculteurs qui souffrent "beaucoup trop". Mohamed, lui, prendrait des mesures contre le chômage. Pour y parvenir, ils comptent bien s'inspirer de Florian Philippot, leur modèle.

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Source(s) : Le Point / Par NICOLAS GUÉGAN, le 11.03.2014

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