Sur LCI, le condamné et mis en examen Claude Guéant donne une leçon gênante de “respect de la loi”

L’ex-ministre de l’Intérieur Claude Guéant s’est posé ce mardi 2 janvier en parangon de la vertu de l’État sur LCI… alors qu’il a été condamné à de la prison ferme en 2017. Ce que personne n’est venu rappeler sur le plateau.

Peut-on être à la fois une figure respectée de l’État, expert des questions policières et un repris de justice, interdit de toute fonction publique pendant cinq ans ? Sur LCI, ce mardi 2 janvier, oui. Il est 18h08 quand le présentateur David Pujadas met un peu de chaleur dans sa voix : « J’ai le plaisir d’accueillir un ancien ministre de l’Intérieur, bonsoir Claude Guéant ». Sur le plateau de l’émission 24h Pujadas, ledit ancien locataire de Beauvau dévoile un léger rictus de plaisir lorsque le journaliste évoque son passé de « directeur général de la police nationale ».

Pour le téléspectateur qui n’a pas suivi dans le détail la vie de l’ex-flic, il y a de quoi être impressionné par un tel parcours. Parmi les invités de l’émission, exclusivement consacrée à la « colère des policiers » après l’agression violente de deux policiers à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), le soir de la Saint-Sylvestre, Claude Guéant fait d’ailleurs office de représentant de l’État. C’est vers ce haut-fonctionnaire que les regards se tournent lorsqu’il s’agit d’analyser les rapports police-population sur le long terme, notamment en banlieue. Sauf que l’énarque n’est pas seulement un ex-haut-gradé de la police. Il a aussi été condamné en 2017 à deux ans de prison pour « complicité de détournement de fonds publics et recel » (voir plus loin), et a été privé du droit d’exercer une fonction publique pendant cinq ans. Cette ligne sur le CV, qui ne sera jamais rappelée à l’antenne, s’avère quelque peu gênante pour qui veut se faire le porte-parole de l’exemplarité des forces de l’ordre. Un peu comme si Jérôme Cahuzac donnait des conférences sur la lutte contre la fraude fiscale.

“Le respect de la loi, c’est ce qui protège les citoyens”

En toute tranquillité, Claude Guéant livre donc ses analyses sur les moyens des policiers, l’attitude des délinquants et la politique pénale à mener, alors que le débat tourne autour des relations police-population en banlieue. Lorsque l’associatif Rost conteste le comportement dévoyé de certains fonctionnaires – qu’il nomme les « brebis galeuses » de la police -, le lieutenant historique de Nicolas Sarkozy se pose en parangon de la vertu de l’État et lui oppose avec assurance un exposé des missions d’un agent des forces de l’ordre : « Le métier de policier est difficile, mais n’oublions pas sa mission ultime. Sa mission (…) c’est de protéger. Et protéger, ça veut dire faire respecter la loi. (…) Ils ont le devoir d’intervenir en banlieue comme partout sur le territoire parce que le respect de la loi, c’est ce qui protège les citoyens ».

Claude Guéant n’est pourtant pas forcément le mieux placé pour donner un cours de respect de la loi et de déontologie policière. Entre 2002 et 2004, il a reçu des mains de Michel Gaudin, alors… directeur général de la police nationale, quelque 10.000 euros par mois en liquide, prélevés sur une enveloppe destinée aux frais d’enquête et de surveillance des policiers. Il en gardait la moitié et reversait le solde à trois de ses collaborateurs. De ce fait, la cour d’appel de Paris a jugé en janvier 2017 qu’il s’était rendu coupable de « complicité de détournement de fonds publics et recel ». L’ancien ministre a été condamné à deux ans de prison, dont un an ferme, 75.000 euros d’amende ainsi qu’à l’interdiction d’exercer toute fonction publique pendant cinq ans. Il s’est pourvu en cassation.

Claude Guéant est par ailleurs mis en examen pour « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » ainsi que « faux et usage de faux » dans un volet de l’enquête sur le soupçon de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2007. Il a également été mis en examen pour « complicité de favoritisme » dans l’affaire dite des « sondages de l’Élysée », qui porte sur des contrats conclus sans appel d’offres entre l’Élysée et Publifact, la société de Patrick Buisson, entre 2007 et 2009.

Un repris de justice pro-peines planchers

Sur le plateau de LCI, la respectabilité de l’ex-secrétaire général de l’Élysée n’est aucunement mise en doute, même si la pertinence de ses propos est fortement tancée à plusieurs reprises, tant par l’associatif Rost que par le reporter Alain Hamon. Claude Guéant est par exemple invité à donner son avis – en tant qu’expert – sur la politique pénale en France… alors que lui même bénéficie d’un aménagement de peine. Bien qu’il ait été condamné à un an de prison ferme en 2017, il n’a jamais été incarcéré. Ce qui ne l’empêche pas de se prononcer pour plus de sévérité pénale et notamment des « peines planchers » à l’encontre des délinquants récidivistes. Dans la même veine, l’ancien ministre s’esclaffe lorsque Rost explique que certains condamnés à des stages de citoyenneté ont « 70 ans ». « Il y a le temps de les éduquer », rit-il… oubliant sans doute qu’il a lui même été condamné à l’âge de 72 ans.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel tapis rouge est déroulé à Claude Guéant. En septembre 2016, la journaliste de France Inter Léa Salamé avait elle aussi interviewé l’ex-secrétaire général de l’Élysée sur les moyens de la police… sans jamais évoquer sa condamnation en première instance, dans l’affaire des primes en liquide. A l’époque, Claude Guéant s’était toutefois gardé de demander une plus grande sévérité de la loi pénale. Pour ne pas trop fâcher les juges ?

Par Étienne Girard

 

Source : Marianne /

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