Irak : L’éradication d’une civilisation

L'expulsion des chrétiens de Mossoul, le 18 juillet, suivie de l'occupation deux jours plus tard d'un monastère antique dans le nord de l' par les forces de l'État islamique, est un coup mortel porté à la diversité confessionnelle et culturelle du monde arabe.

 

En quelques jours, la communauté chrétienne résidant dans la ville irakienne de Mossoul a quitté les lieux, un des événements les plus inquiétants qu'ait connu la région ces derniers temps.

A en croire plusieurs observateurs, les fanatiques de l'EIIL [État islamique en et au Levant] auraient adressé un ultimatum [le 18 juillet] aux chrétiens de Mossoul : ils avaient le choix entre se convertir à l'islam, payer une taxe spéciale ou fuir la ville ; et c'est cette dernière solution que tous ou presque ont choisie [les chrétiens de Mossoul et les moines chassés du monastère ont trouvé refuge à Qaraqosh, située à environ 30 km, dans le Kurdistan irakien].

Le fait que l'EIIL leur ait offert de partir montre, selon quelques-uns, que le mouvement a eu recours à une moins violente dans ses relations avec d'autres groupes. Mais on peut tout à fait tuer un pays sans forcément en exterminer les habitants.

Une levée de boucliers

Si l'Irak – voire l'islam – est dans l'esprit de certains synonyme de , la réalité, c'est que les chrétiens d'Irak ont toujours été une présence aussi essentielle que distinguée dans leur pays depuis près de 2 000 ans – et qu'ils ont passé le plus clair de leur temps à vivre en paix avec les musulmans de diverses confessions.

Au fil des siècles, ils ont résisté aux invasions étrangères et aux périodes de persécution – et un des coups les plus terribles portés à la présence chrétienne en Irak a été la conséquence d'une invasion militaire déclenchée par des "coreligionnaires chrétiens" venus des États-Unis en 2003 [depuis cette date, plus de la moitié des chrétiens d'Irak, estimés alors à 1 million, auraient quitté le pays] .

Les événements des jours passés à Mossoul devraient susciter une levée de boucliers, à la fois contre l'EIIL et contre ceux qui, de par le monde, le condamnent verbalement. Car la qui consiste à mettre systématiquement fin à la présence chrétienne dans un Irak multiculturel mérite beaucoup plus qu'une simple succession de phrases contenant les mots "inquiet" et "horrifié".

Si on laisse les fanatiques continuer à s'en prendre à la diversité du monde arabe, liée à la culture, au patrimoine et à l'identité, ils commettront en toute impunité, ce qui est pire encore que d'assassiner les gens. Ils anéantiront des siècles de civilisation.

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Source : Courrier International, le 22.07.2014

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