C'est la face cachée de l'explosion du bio en Allemagne. Alors que la demande de produits issus de l'agriculture biologique ne cesse d'augmenter, 600 producteurs retournent chaque année à la culture conventionnelle, ou cessent leur activité, gagnés par le découragement.
Si la tendance reste favorable à l'augmentation des exploitations cultivées en bio en Allemagne, 5 % d'entre elles jettent l'éponge chaque année, selon une étude de l'Institut Thünen sur la recherche agricole publiée en avril 2013.
Hans Hinrich Hatje est l'un de ces « sortants ». L'agriculteur de 56 ans, qui exploite 170 hectares dans le Schleswig-Holstein, dans le nord de l'Allemagne, fut un pionnier de l'agriculture biologique.
HAUSSE DE LA CONCURRENCE
Après avoir cultivé pendant vingt et un ans des céréales selon les règles strictes du label allemand Bioland, il asperge de nouveau depuis deux ans ses champs de pesticides et d'engrais chimiques. « Nous avons réfléchi lorsque mon fils a émis le souhait de reprendre l'exploitation. Les calculs étaient sans appel : depuis cinq ans, les bénéfices avaient fondu. Je gagnais bien moins que lorsque j'ai démarré dans le bio », dit-il. « A quoi cela sert-il de se décarcasser à protéger l'environnement si la ferme y perd ses plumes ? »
Pour M. Hatje, la première cause d'effritement de sa rentabilité est la hausse de la concurrence. Le marché allemand est considéré comme un eldorado du bio : le chiffre d'affaires de la branche s'est élevé, en 2013, à 7 milliards d'euros, le plus important en Europe. Avec 23 000 fermiers bio, le pays compte sept fois plus d'exploitations qu'il y a vingt ans. Quelque 6,3 % des surfaces cultivables sont bio, trop peu pour couvrir la demande.
Conséquence : le marché est envahi, depuis, par les produits en provenance de pays où les coûts de production sont moins élevés (Europe centrale et orientale…).
LA MOITIÉ DE LA PRODUCTION VIENT DE L'ÉTRANGER
La Pologne a vu augmenter la surface cultivée en bio de 531 % entre 2004 et 2010. Sur des produits comme les carottes ou les pommes, la moitié de la production vendue en Allemagne vient de l'étranger et parcourt des milliers de kilomètres avant de rejoindre l'assiette du consommateur.
Ces produits alimentent les étals des « bio discounter » ou des supermarchés traditionnels. « L'agriculture biologique s'est éloignée des valeurs pour lesquelles j'avais abandonné le conventionnel il y a vingt ans, dit M. Hatje. La production locale, respectueuse de l'environnement est devenue une production mondialisée, sur de grosses exploitations, qui seules peuvent résister à la concurrence. »
Pour survivre, il aurait dû se diversifier et augmenter la taille de sa parcelle. Une gageure à l'heure où le prix des terres cultivables a explosé… en partie à cause du boom du biogaz soutenu par les écologistes.
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Source(s) : Le Monde / Par Cécile Boutelet, le 22.04.2014 / Nature to Share / Relayé par Meta TV