“J’ai déjà eu des banques. Mais ma dernière m’a pris des liquidités alors que je n’avais pas utilisé mon compte de l’année. Pas un seul de ses services. Et malgré tout, ils voulaient que je paie. J’ai refusé. Je n’allais quand même pas les payer alors que je les laissais déjà utiliser mon argent à leur guise. Finalement, ils ne m’ont pas fait payer, mais j’ai quitté la banque et je n’ai plus jamais repris de compte nulle part.”
C’était “il y a une vingtaine d’années”. Depuis lors, Marc Gilson vit sans banque. Bavard, hirsute et érudit, l’homme a des allures, selon ses dires, “de Père Noël bon enfant” . Surtout, il a des idées bien arrêtées sur le système bancaire, qu’il tente donc de fuir, tant qu’il peut.
Mais ce n’est pas simple. Et s’il n’a d’ailleurs aucun compte en banque, il n’en utilise pas moins les services de plusieurs d’entre elles pour quelques-unes de ses transactions. “Je n’ai pas le choix , dit-il, comme à regret. Pour certaines opérations, les sociétés n’acceptent que des virements ou des versements.”
Lui utilise principalement ces derniers. Il se rend à bpost banque avec de l’argent liquide ou son chèque circulaire et fait payer ses factures par bpost banque à qui il verse directement la somme due. Bpost banque se charge ensuite de faire parvenir l’argent sur le compte de la société destinataire.
“Pendant dix ans, j’ai travaillé alors que je n’avais pas de banque. Mes patrons me payaient par chèques circulaires. Des chèques que je venais ensuite toucher auprès de l’établissement à qui ils avaient versé l’argent” , explique ce cinquantenaire contestataire faisant partie de plusieurs collectifs qui luttent contre le capitalisme.
“Aujourd’hui, c’est de plus en plus compliqué de toucher l’argent de mes chèques circulaires. Les banques créent de plus en plus de difficultés. Je dois multiplier les opérations. Or, cet argent, il m’est dû. Ainsi, auprès de certaines banques, je ne peux plus me rendre que dans l’agence la plus proche de ma résidence pour toucher mon chèque. Et encore, parfois là aussi on me refuse le versement et je dois entamer de nouvelles démarches” , se plaint-il.
De toute façon, à l’endroit des banques actuelles, ses critiques pleuvent. “Les banquiers sont radicalement incapables. Ils sont d’une cupidité morbide” , juge-t-il. Fustigeant “l’économie casino” , il rappelle l’importance de “trois lois” , aujourd’hui abolies et qui selon lui “doivent être rétablies” . “Un : il devrait être interdit que les banques mélangent dépôt et spéculation. Deux : il est nécessaire d’avoir des banques publiques. Trois : celles-ci devraient pouvoir emprunter de l’argent à d’autres banques publiques, pas à des établissements privés.”
Résolu, il n’entend d’ailleurs reprendre un compte que dans une banque “qui fait ses devoirs avant de jouer” . Celle-ci pourrait être la NewB, qui “pour l’heure, entame des démarches qui me parlent” . En attendant, cet ancien vendeur, ouvrier en bâtiment ou employé de la Sabena qui a arrêté de travailler voici dix ans suite à un grave problème de santé, espère “révolutionner le système bancaire par l’exemple” . Des idées d’interdictions à imposer aux banques, il en a plein les poches.
Surtout, il souhaite que les banques reviennent au service des clients, aujourd’hui délaissés selon lui.“Désormais, je paie pour faire un versement. Avant, toutes les opérations étaient gratuites. Profiter de notre argent suffisait aux banques. Dorénavant, ce n’est plus le cas. Chaque opération ou presque est devenue payante” , pointe-t-il. Enquête faite, effectivement, même un simple retrait peut être payant dans certains établissements bancaires.
Mais vivre entièrement sans banque est désormais tout simplement impossible, quelles que soient ses convictions ou ses besoins. Dans sa vie quotidienne, il les utilise pour “ma garantie locative, lors des paiements à mon fournisseur d’énergie, pour mon assurance incendie et pour mon abonnement télévisé” . C’est tout. Pour tout le reste, il vit sans banque. Et en semble fort heureux.
Qu’est-il vraiment possible de faire, ou non, sans compte en banque ?