Quatre mois de prison ferme, c’est la peine qui avait été prononcée contre un militant pro-palestinien le 15 juillet, deux jours après la manifestation de solidarité en faveur du peuple palestinien, en pleine offensive contre Gaza. Le jeune homme, accusé de « rébellion », clame son innocence et a fait appel de la sanction qu’il s’est vu infliger. A la veille de l’audience fixée jeudi 7 août, Saphirnews revient sur une affaire d'un contrôle policier qui a mal tourné, qui révèle un racisme sournois qui n’a rien perdu de sa violence.*
Mohamed n’a pas fait partie de ces jeunes qui ont répondu à la cynique provocation de la LDJ près de la synagogue de la Roquette : il était parti de Bastille lorsque cette histoire s’est produite. Le jeune manutentionnaire de 23 ans était à Barbès aux environs de 20h, en compagnie de son frère cadet Hassen et de son ami Renaud, lorsqu’il s’est fait embarquer par des agents véhiculés.
Accusé de « violences sur agent dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion », Mohamed S. a été jugé en comparution immédiate et a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 15 juillet à quatre mois de prison ferme avec mise en mandat de dépôt (détention immédiate). Une lourde condamnation qui choque la famille S. et ses proches tant l'innocence de Mohamed est pour eux certaine.
Pour Mohamed, ce contrôle policier n’est sensé être « qu’un » contrôle de plus : il déclare en subir régulièrement. Sauf que celui-ci finira très mal pour lui. Refusant de voir son petit frère contrôler, il décide de s’interposer, jugeant le contrôle arbitraire. « Tu n’as rien à faire en France. Va en Palestine si tu veux te battre pour la Palestine », aurait déclaré un des policiers à Mohamed. Aux dires des policiers, le jeune homme a donné un coup à un agent ; lui affirme que ce sont les policiers qui l’ont passé à tabac. C’est d’ailleurs Mohamed qui est présenté au juge, le visage tuméfié, avec un jour d’IIT. Aucun arrêt de travail en revanche pour le policier, qui n’avait pas été appelé à se présenter le 15 juillet avec ses collègues à la barre. « Pourtant, l’accusation ne repose que sur les témoignages des policiers », nous rappelle Me Nicolas Putman.
Nicolas Putman y voit surtout l'histoire d'un « racisme latent », le sort de Mohamed étant « un parfait exemple de ce qui arrive aux types qui n’ont pas la peau blanche et qui se font contrôler 14 fois par jour ». Un racisme qui s'est révélé dans l'enceinte même du tribunal… Au bout du compte, il est condamné non pour « violences » mais « rébellion », signe pour l’avocat que la présidente du tribunal n’a été que trop sévère. « En soi, les faits de violences sont plus graves (…) mais il a été relaxé pour ces faits. Car rébellion implique de se débattre, du ferme avec mise en dépôt de mandat pour cela, c’est dur », dit-il, rappelant que rien de suspect n’a été retrouvé sur Mohamed lors de sa fouille. Il n'a d'ailleurs rien du profil de « casseur » : il s'était même proposé d'intégrer le service d’ordre de la manif pour Gaza pour contenir tout débordement.
L’avocat en est persuadé : « Le dossier, dans un climat politique international apaisé, n’aurait jamais pris cette tournure là. » Car entre-temps, les débordements de la manif du 13 juillet présentés comme antisémites avaient largement fait la Une. Et bien que Mohamed n’y était pas, les médias ne font pas dans la nuance : il a fait partie des militants pro-palestiniens qui ont été interpellés ce jour là.
Mohamed a fait appel de la décision. Mais les parties civiles – les policiers – n’ayant pas été convoquées, « le fond du dossier ne sera sans doute pas abordé », selon Nicolas Putman. Mais son client, qui a une promesse d’embauche en poche, « a un très bon dossier. Si demain, la justice lui refuse la demande de mise en liberté, on pourra se poser la question du caractère politique des décisions qu’ils (les juges, ndlr) prennent ». Il est à nouveau jugé, jeudi 7 août, par la Cour d’appel de Paris. Il aura passé 24 jours en prison. Passera-t-il encore plus de temps à l’ombre ? Ce serait la continuité d’un cauchemar qui n’a que trop duré pour lui, son frère et sa famille, qui attendent avec fébrilité le verdict. La relaxe, synonyme d'une libération immédiate, c’est la seule issue attendue par Mohamed et ses soutiens.
* Mise à jour jeudi 7 août : Le fond du dossier a finalement été plaidé, deux des trois policiers s'étant finalement présentés à la barre. L'agent, qui a déclaré s'être pris un coup, n'était en revanche pas présent. Mohamed S. a été condamné à trois mois de prison pour « rébellion » mais sa mise en libération immédiate a été acceptée compte-tenu de la réussite de sa réinsertion professionnelle. Un aménagement de sa peine – les deux mois restants – sera discuté ultérieurement. Plus de détails prochainement.
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Source : Saphirnews / Par Hanan Ben Rhouma, le 06.08.2014 / Relayé par Meta TV