Caracas a ordonné jeudi 20 février l'envoi d'un bataillon de parachutistes à San Cristobal (ouest), l'un des centres de la protestation étudiante, tandis que le président Nicolas Maduro a menacé de bloquer la diffusion de CNN. Ce bataillon de parachutistes sera chargé d'assurer le contrôle des accès San Cristobal, capitale de l'Etat de Tachira, a annoncé le ministre de l'Intérieur, Miguel Rodriguez.
Depuis début février, le Venezuela est le théâtre de manifestations étudiantes appuyées par l'opposition entamées en province sur le thème de l'insécurité et du coût de la vie, qui sont régulièrement suivies d'incidents violents en soirée.
On dénombrait quatre morts depuis le début de cette mobilisation, dont certains dirigeants radicaux de l'opposition espèrent profiter pour faire tomber le président Maduro, élu de justesse à la tête du pays en avril, dans la foulée du décès de son mentor, le socialiste Hugo Chavez.
Le fondateur du parti Voluntad Popular (droite), Leopoldo Lopez, 42 ans, l'un des fers de lance de la mobilisation recherché par la police après une manifestation ayant fait trois mort le 12 février et qui s'était rendu mardi, a finalement échappé à des poursuites pour homicide, comme l'avait menacé le président Maduro.
Détenu dans une prison militaire des environs de Caracas, il s'est vu accusé "d'incendie volontaire, d'incitation à la violence, de dommages sur des biens publics et d'association de malfaiteurs", selon un communiqué du Tribunal suprême de Justice, jeudi. Placé en détention provisoire, il pourrait y rester 45 jours, le temps d'organiser son procès, selon un de ses avocats.
Fleurs blanches
Parallèlement, les organisations étudiantes mobilisées ont appelé dans un communiqué "la société civile vénézuélienne à répondre à la violence avec des fleurs blanches".
Caracas, San Cristobal ou encore Valencia (nord), connaissent depuis deux semaines des manifestations quotidiennes dérivant à la nuit tombée en affrontements entre forces de l'ordre et groupes radicaux auxquels se mêlent parfois des individus armés désignés par l'opposition comme des sympathisants du gouvernement, dans un contexte d'accusations réciproques de provocations.
Dans les manifestations, "il y a beaucoup de groupes armés qui ne semblent pas appartenir aux corps de sécurité de l'Etat. Je ne comprends pas pourquoi (ils) peuvent agir librement, impunément (…) Le gouvernement doit discipliner ces groupes", a plaidé jeudi l'archevêque de Caracas Jorge Urosa, sur la télévision Globovision.
Des journalistes de l'AFP ont pu observer mercredi soir dans les zones aisées de l'est de la capitale des colonnes de véhicules se déplaçant de façon intimidante escortés par des hommes à moto sans identification. A proximité, dans le quartier de Chacao, autre bastion opposant, qui avait connu trois nuits de calme relatif, des centaines de manifestants ont à nouveau bloqué des rues, allumant des foyers alimentés par des poubelles et des gravats.
La police a répondu avec des canons à eau, des gaz lacrymogènes et des tirs de plomb alors que des hommes armés à moto ont commencé à ouvrir le feu, provoquant la fuite éperdue des manifestants vers les immeubles alentours, ont constaté des journalistes de l'AFP. Selon la chaîne Globovision, à Maracaibo (ouest, deuxième ville du pays), San Cristobal ou Valencia, la majorité des commerces ont réduit leurs horaires d'ouverture et le service de transport public tourne au ralenti.
"Où sont les preuves?"
Nicolas Maduro, qui qualifie ces événements de tentative de coup d'Etat, a averti qu'il n'hésiterait pas si nécessaire à déclarer l'Etat d'exception dans l'Etat de Tachira dont la capitale San Cristobal, dirigée par l'opposition, a vu naître la contestation, après la tentative de viol d'une étudiante sur le campus universitaire.
"Vous devez présenter au pays les preuves de ce coup d'Etat. Où sont les détenus qui allaient mener ce coup d'Etat ? (…) Où sont les preuves ? Les civils ne font pas de coup d'Etat, ce sont les militaires" qui le font, a répondu jeudi lors d'une conférence de presse la principale figure de l'opposition, le gouverneur et ancien candidat présidentiel Henrique Capriles, qui a appelé à une manifestation samedi pour exiger la libération des protestataires détenus.
La crise politique a dérivé sur le terrain diplomatique, mettant une fois encore aux prises Caracas et Washington. Dernier incident en date, le président américain Barack Obama a dénoncé mercredi les "violences inacceptables" au Venezuela, s'attirant jeudi du gouvernement Maduro de nouvelles accusations d'"ingérence".
"Il faut cesser cette propagande de guerre"
La menace brandie par Nicolas Maduro de bloquer la diffusion de CNN ne devrait pas calmer les relations déjà tendues entre les deux pays. Le président accuse la chaîne d'information américaine de chercher à montrer que le pays se trouve en état de "guerre civile". "Il faut cesser cette propagande de guerre", a-t-il affirmé.
"J'ai demandé à la ministre (de la Communication Delcy Rodriguez) de notifier CNN qu'elle avait commencé le processus administratif pour les exclure s'ils ne corrigeaient pas (le tir). CNN part du Venezuela. Il faut cesser cette propagande de guerre", a déclaré le président à la radio-télévision nationale.
"J'étais dans mon bureau et je regardais CNN. 24 heures sur 24, il s'agit d'une programmation de guerre. Ils veulent montrer au monde que le Venezuela est en état de guerre civile alors qu'au Venezuela les gens travaillent!" a-t-il dit.
Le semaine dernière, le gouvernement vénézuélien a fait retirer des canaux la chaîne d'information colombienne NTN24, l'accusant de créer de l'"anxiété" au sein de la population en diffusant des images de troubles après une manifestation d'étudiants et de l'opposition.
NTN24 prétendait "transmettre l'angoisse d'un coup d'Etat comme lors du 11 avril (2002, contre le président de l'époque Hugo Chavez). 'NTN24 hors des ondes!'" avait déclaré Nicolas Maduro la semaine dernière lors d'un message adressé depuis le palais présidentiel de Miraflores.
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Source: HuffingtonPost