Une société française, Qosmos, s’est-elle rendue coupable de complicité de tortures en vendant équipements et logiciels au régime syrien, l’un des plus répressifs au monde ? Le parquet de Paris a ouvert la semaine dernière une information judiciaire, a annoncé vendredi la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). L’instruction a été confiée à trois juges du pôle crimes contre l’humanité de Paris.
«Impunément».«C’est un bon signe. Après dix-huit mois d’enquête préliminaire, le parquet a jugé qu’il y avait de la matière pour poursuivre. Cela montre qu’on ne peut pas faire du business impunément et que, quand on traite avec des États voyous, il faut être prêt à en supporter les conséquences, y compris de se voir accusé de complicité de tortures», explique Patrick Baudoin, président d’honneur de la FIDH. Associée à la Ligue des droits de l’homme (LDH), la FIDH accuse la PME d’avoir vendu à la Syrie des systèmes permettant d’espionner des communications électroniques en temps réel, sur Internet et téléphones mobiles.
L’accusation est lourde. Le régime de Bachar al-Assad, comme celui de son père, Hafez, a fait emprisonner des dizaines de milliers d’opposants. Des milliers ont été torturés ou sont morts en détention. La répression s’est encore accentuée depuis le soulèvement de mars 2011. En trois ans, le conflit a fait plus de 150 000 morts, et a poussé près de 10 millions de Syriens à l’exode.
Dans un communiqué publié sur son site internet français, mais non traduit dans sa déclinaison en anglais, Qosmos a démenti des «accusations fausses et calomnieuses».
La PME, qui bénéficie de subventions européennes, affirme qu’elle avait porté plainte en septembre 2012 pour dénonciation calomnieuse à l’encontre de la FIDH et de la LDH. «Nous n’avons jamais été contactés par le parquet ou par un juge»,note Patrick Baudoin, qui dénonce «la réaction extrêmement virulente et les tentatives d’intimidation» de Qosmos via ses avocats.
Libye. Cette affaire rappelle celle d’Amesys, une autre société française, accusée d’avoir vendu des systèmes de surveillance au régime libyen de Muammar al-Kadhafi. Après une plainte déposée par la FIDH et la LDH, l’entreprise – une filiale de Bull – est sous le coup d’une information judiciaire. Cinq anciens opposants, arrêtés et torturés par l’ex-pouvoir, se sont constitués partie civile.
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Source(s) : tchels0o / dailymotion / Libération / Par Luc Mathieu, le 11.04.2014