Un policier vole 6 100 euros à un mort, c’est l’État qui est condamné

C’est une histoire invraisemblable, qui témoigne d’une grave chaîne de dysfonctionnements dans une procédure judiciaire. Sept ans après la mort de leur fils, un couple de Toulousains a fait condamner l’État pour ne pas leur avoir restitué 6 100 euros, dérobés par l’un des policiers chargés de l’enquête. Un jugement du 2 octobre leur donne gain de cause.

Pour l’avocate de la famille, Sophie Sarre, « c’est une décision a minima » :

« Non seulement mes clients auront toujours un doute sur le sérieux de l’enquête, mais ils ont dû attendre plusieurs années sans savoir ce qui se passait pour recevoir une “indemnisation-plancher”. Jusqu’au bout ils n’ont pas été pris en considération, c’est un traitement relativement indigne. »

Overdose à l’hôtel

En septembre 2006, le corps de Y.G, 29 ans, est retrouvé dans une chambre du luxueux hôtel Costes, en plein cœur de Paris. Il y vivait depuis plusieurs mois. Le jeune homme, qui avait pris de la cocaïne et de la MDMA, est mort d’une overdose. Près de lui gisent une bouteille de champagne et un billet de 20 euros roulé en forme de paille.

Une enquête de police pour « homicide involontaire » vise son dealer, qui finit par être renvoyé devant un tribunal pour trafic de drogue en 2010. Jusque-là, rien de surprenant. Le suspect vendait bien de la cocaïne, mais pas de MDMA : difficile d’établir sa responsabilité directe dans le décès de Y.. Il écope de quelques mois de prison avec sursis.

Mais au cours de l’instruction, les parents de la victime se rendent compte que quelque chose ne tourne pas rond.

Le policier avoue dans une lettre d’adieu

Lorsqu’ils demandent à récupérer les affaires personnelles de leur fils, placées sous scellés, il se heurtent à plusieurs refus. En 2011, un juge ordonne finalement la restitution des téléphones portables de leur fils et de l’argent retrouvé dans le coffre-fort de sa chambre d’hôtel, c’est-à-dire 6 100 euros en billets de 20. Pourtant, cette somme ne leur est jamais rendue.

La famille de Y.G. n’a pu comprendre qu’à force d’obstination. Au cours de l’enquête, ils apprennent par hasard, en lisant un procès-verbal, qu’un policier des Stups qui enquêtait sur la mort de leur fils a volé le scellé numéro 8, c’est-à-dire la grosse somme en liquide. Personne ne les en avait informés. L’avocate des parties civiles obtient finalement du procureur l’identité du policier mis en cause, pour réclamer une copie du dossier.

Au moment de la mort de leur fils, ce commandant de police est aux abois. Alcoolique, accro au jeu dans les bars depuis son divorce et sur endetté, il tente de se suicider en se tirant une balle dans la poitrine dans le bois de Vincennes, en 2007. Dans sa lettre d’adieu, il avoue le vol du scellé et d’enveloppes trouvées dans son service. Elles contenaient les primes de ses collègues et la rémunération des indics. Il a tout perdu au jeu.

Rappel à la loi

Sans doute clémente pour tenir compte de la fragilité psychologique du policier, l’enquête administrative aboutit à une sanction disciplinaire.

Le fonctionnaire, qui a survécu à sa tentative de suicide, écope d’un simple rappel à la loi en 2008, alors que le délit de détournement de fonds publics est passible de dix ans en prison.

Sollicitées par la famille G., les autorités se montrent compréhensives mais plutôt passives. Alors que le ministère de l’Intérieur lui exprime « toute sa sympathie », le ministère de la Justice conseille deux options pour réparer le préjudice : mener une action contre le policier ou assigner l’État au civil en réclamant une indemnisation. C’est cette option que les parents de Y.G. ont choisie.

D’après le jugement rendu le 2 octobre par le tribunal de grande instance de Paris :

« Une faute lourde a été commise lors de la procédure engagée à la suite du décès de Y.G., du fait de la disparition d’un scellé. »

L’État doit rembourser les 6 100 euros disparus. Le père, la mère et le frère de la victime recevront 1 000 euros chacun de dommages et intérêts.

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Source(s): rue89 / Par Camille Polloni le 10.10.2013

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