Un labo veut faire payer un médicament… 280 fois son prix de revient

L'initiative est originale et à la hauteur de l'enjeu : colossal. Cinq députés de la majorité, tous impliqués à divers degrés dans les questions de santé, viennent d'adresser un courrier à Michel Joli, président du laboratoire américain Gilead, pour lui demander de baisser le prix -exorbitant- de son médicament innovant contre l'hépathite C chronique de l'adulte: le Sovaldi. 

Cet antiviral est une vraie révolution puisque douze semaines de traitement seulement -parfois moins- suffisent pour obtenir la disparition du dans 90% des cas. Si l'initiative des députés est elle aussi innovante, c'est parce que derrière le prix demandé pourrait bien se cacher un de nouvelle génération.

56000€ facturés par patient, pour un coût de… 200€. Pour ce traitement, la posologie recommande un comprimé dosé à 400mg par jour. Soit, sur douze semaines, 84 pilules. Or, le prix demandé par le laboratoire pour ce nouveau médicament bénéficiant pour l'instant d'une «autorisation temporaire d'usage» atteint, rappelle les députés dans leur missive, 56 000€, soit 666€ le comprimé. Or, précisent un peu plus loin les cinq signataires, le coût de fabrication reviendrait, en vitesse de croisière, à moins de 200€… par patient traité.

Cinq députés demandent des comptes au laboratoire. Gérard Bapt, Catherine Lemorton (présidente de la commission des affaires sociales à l'Assemblée), Olivier Véran, Bernadette Laclais et Jean-Louis Touraine, tous membres du , demandent donc des comptes au président de Gilead France rappelant notamment «le montant des dividendes versés à vos actionnaires en 2013». «Ne pensez-vous pas qu'un prix inférieur à celui demandé ne serait pas adapté au regard des volumes de vente à prévoir ?», s'interrogent-ils. 

Selon ces élus, 60 000 patients pourraient être traités par Sovaldi au cour des 18 à 24 mois. Le chiffre d'affaires potentiel est colossal : 4,8 milliards d'euros, au prix actuellement demandé, à régler par l'assurance maladie en totalité.

Nouvelle génération de «médicaments financiers». Cette affaire est révélatrice de nouvelles pratiques dans le monde des laboratoires qui ont de plus en plus de mal à «trouver» de nouveaux médicaments. Alors, de plus en plus souvent, ils se tournent vers les start-ups. C'est ce qui c'est passé dans ce dossier. Fin 2011, Gilead a racheté pour 11 milliards de dollars (8 milliards d'euros) la société américaine Pharmasset, qui venait de mettre au point un traitement prometteur, efficace et utilisé par simple voie orale.

1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaire en 3 mois. «Au premier trimestre de cette année, Gilead a déjà réalisé 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d'euros) de chiffre d'affaires avec le Sovaldi, c'est dire s'il va amortir rapidement l'achat de Pharmasset», explique Gérard Bapt, député de Haute-Garonne et médecin de formation. Un investissement d'autant plus vite amorti que pour l'instant, peu de pays ont intégré ce nouveau remède dans leur pharmacie.

Le CEPS prévenu... Avec son initiative, le «collectif» de députés, qui pourrait bientôt s'élargir à des élus de l'opposition, jette un pavé dans la marre du CEPS (Comité économique des produits de santé) qui fixe le prix des médicaments en France. Avec une telle information sur le coût réel de fabrication, il semble en effet difficile de ne pas imposer une baisse conséquente du prix officiel. A l'heure où le gouvernement exige dix milliards d'euros d'économies de l'assurance maladie, les Français ne comprendraient pas.

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Source : Le Parisien / Par Daniel Rosenweg, le 07.07.2014 / Relayé par

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