Déjà choquée par le piratage du portable d'Angela Merkel, l'Allemagne était en émoi vendredi après l'arrestation d'un agent allemand soupçonné d'avoir espionné, pour le compte des États-Unis, les parlementaires de son pays chargés… d'une enquête sur l'espionnage de la NSA.
Ce collaborateur des services de renseignement allemands (BND), âgé de 31 ans, a été arrêté mercredi. Il était alors soupçonné d'avoir tenté d'entrer en contact avec les services secrets russes mais, selon plusieurs médias, l'homme a avoué lors d'interrogatoires avoir fourni des informations à un service secret américain.
Interrogé sur cette affaire lors d'un point de presse régulier vendredi, le porte-parole du gouvernement allemand Steffen Seibert a déclaré que la chancelière Angela Merkel en avait été informée jeudi. "Le gouvernement allemand va attendre les résultats de l'enquête. S'il faut en tirer des conséquences, on en tirera, mais nous n'en sommes pas encore là (…) L'affaire est grave, c'est clair", a-t-il affirmé.
Prié de dire à plusieurs reprises si l'affaire avait été évoquée lors de la conversation téléphonique jeudi soir entre Angela Merkel et le président Barack Obama, M. Seibert s'est borné à répéter que le sujet de la discussion était l'Ukraine, refusant d'en dire plus.
Ces révélations ont suscité de vives réactions dans le monde politique, notamment dans les rangs de l'opposition qui a appelé la coalition gouvernementale d'Angela Merkel à réagir. "Si ce soupçon (…) se confirme, il s'agit d'un revers considérable pour le BND et le gouvernement fédéral", a estimé la responsable du groupe parlementaire des Verts Katrin Göring-Eckardt, appelant à "examiner toutes les coopérations avec les services de renseignement amis".
"Un service 'ami' ne recule même pas à l'idée de recruter un collaborateur du BND pour espionner le Bundestag", s'est indigné sur Twitter Gregor Gysi, chef du groupe parlementaire du parti de gauche radicale Die Linke.
"Si Merkel et la grande coalition n'augmentent par leur pression (sur les États-Unis) et maintiennent leurs dissimulations, ils portent lourdement atteinte à leur devoir" de protection des citoyens allemands, a-t-il ajouté.
Thomas Oppermann, chef du groupe parlementaire du SPD, parti membre de la coalition gouvernementale, a dénoncé "une atteinte inouïe à notre liberté parlementaire".
Les relations entre les États-Unis et l'Allemagne, traditionnellement très bonnes, avaient été rudement mises à mal il y a quelques mois, après des révélations faites par l'ex-consultant du renseignement américain Edward Snowden sur un vaste programme d'espionnage visant notamment l'Allemagne et le portable d'Angela Merkel.
Une commission d'enquête du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, a été mise en place en avril pour déterminer l'étendue des activités d'espionnage des États-Unis vis-à-vis de l'Allemagne et de ses partenaires, ainsi que pour examiner le rôle des services secrets allemands dans ce dossier.
Edward Snowden, par la voix de son avocat allemand, a affirmé à la mi-juin qu'il ne voulait pas être entendu par des représentants de cette commission qui souhaitaient le rencontrer à Moscou.
Le premier témoin interrogé par cette commission, l'Américain William Binney, ancien cadre de la NSA devenu l'un de ses critiques les plus véhéments, a accusé cette agence américaine de renseignement de vouloir mettre en place un système de surveillance de type dictatorial.
William Binney qui a travaillé pendant plus de 30 ans pour la NSA avant d'en démissionner en 2001, a par ailleurs souligné que cet organisme avait travaillé en étroite collaboration avec le BND.
Le mois dernier, le parquet fédéral a indiqué avoir ouvert une procédure pénale concernant l'espionnage du téléphone portable de la chancelière.
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Source(s) : RTBF avec AFP, le 04.07.2014