Faut-il mettre un terme à la vaccination obligatoire ?

Vaccination : La politique vaccinale française n’est plus adaptée, juge un comité public d’experts.

La France et l’Italie sont les seuls pays de l’Union européenne à maintenir une obligation vaccinale pour les enfants. Dans l’Hexagone, cela concerne la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Malgré cette contrainte, le taux d’immunisation dans la population générale, tous vaccins confondus, n’est pas meilleur que dans les pays voisins. Un paradoxe qui ne date pas d’hier et qui a conduit le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), comité d’experts au service des autorités sanitaires, à appeler mercredi à une remise à plat de la politique française dans ce domaine.

Rappelant, pour asseoir sa position dans un débat régulièrement ravivé, que la vaccination reste «l’action de santé publique la plus efficace» de l’Histoire puisqu’elle a permis des gains spectaculaires en espérance de vie, le HCSP pointe néanmoins plusieurs incohérences dans le système français. Ainsi, dans l’hypothèse où des parents souhaiteraient protéger leur enfant contre les seules maladies tombant sous l’obligation légale, il n’existe plus, aujourd’hui, de vaccins permettant de répondre à leur demande car les produits disponibles sont combinés avec d’autres vaccins non obligatoires (mais recommandés). «Cela met les vaccinateurs en difficulté vis-à-vis des parents», dénonce le Pr Daniel Floret, président du Comité technique des vaccinations, qui a rédigé le rapport.

La vaccination : Une décision politique

Par ailleurs, la liste des vaccins obligatoires n’a pas été revue depuis… 1964. «Certaines maladies pour lesquelles la vaccination est recommandée ont une mortalité comparable, voire plus importante, que celles des maladies pour lesquelles la vaccination est obligatoire», constate le HCSP. «Ainsi, l’hépatite B et les infections à papillomavirus humains (HPV) (vaccins recommandés, NDLR) sont respectivement responsables annuellement en France d’environ 1 300 décès par cirrhose ou cancer du foie pour le premier et, pour le second, de 1 000 décès par cancer du col de l’utérus.» On pourrait ajouter dans cette même catégorie la rougeole – la France sort d’une épidémie – la coqueluche ou la méningite.

«Nous ne prenons pas position en faveur ou contre l’obligation vaccinale, mais nous demandons à ce que le débat soit ouvert. Il s’agit d’une décision politique qui doit être prise en consultation avec la population civile», résume le Pr Floret.

À la Société française de pédiatrie (SFP), on soutient «à 100 %» la proposition du HCSP. «La politique actuelle est le fruit de l’histoire, et non pas de la gravité des maladies, explique le Dr Robert Cohen, vice-président de la SFP. Elle n’est plus tenable aujourd’hui.» Le Dr Cohen se dit pour sa part favorable à la fin de l’obligation, à condition qu’elle s’accompagne de politiques de promotion efficaces. «Si l’État recommande certains vaccins, il doit l’assumer et s’engager au travers de campagnes publiques de sensibilisation, estime-t-il. Mais on est loin du compte.»

«Indispensable» plutôt que «recommandé»

Responsable du centre de vaccination de l’hôpital d’instruction des armées Robert-Picqué à Bordeaux, et fondateur du site mesvaccins.net, le Pr Jean-Louis Koeck plaide également pour une révision de la pratique actuelle. «Aujourd’hui, l’obligation vaccinale est paradoxalement en train de devenir un obstacle à la bonne pratique vaccinale, affirme-t-il. En focalisant l’attention sur ces trois maladies, qui ne sont pas au cœur des inquiétudes en France, on perd des occasions de discuter des vrais problèmes, comme la rougeole ou le pneumocoque. On est à côté de la plaque.»

Il juge aussi l’enjeu de la communication crucial, à commencer par la sémantique: «Il faudrait faire passer l’idée qu’un vaccin “recommandé” est en réalité “indispensable”, à la différence de certains vaccins qui ne s’appliquent qu’à des situations et des vulnérabilités particulières – épidémies, population à risque…» L’éducation ne devra pas seulement cibler les citoyens, mais aussi les professionnels de santé. «Le message qu’ils doivent faire passer n’est plus si simple, car on ne vaccine plus tout le monde de la même manière. Mais c’est une chance pour le patient, car cela signifie que l’on tient de plus en plus compte du rapport bénéfice/risque individuel.»

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Source : LeFigaro / Par Pauline Fréour, le 15.09.2014 / )

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