Pôle Emploi : De nombreux chômeurs se plaignent d’avoir été radiés de Pôle emploi sans raisons. Ce qui n’étonne guère une représentante syndicale. C’est la solution de facilité pour embellir les statistiques.
Au pied du sapin, certains chômeurs ont trouvé un drôle de cadeau: une radiation de Pôle emploi. Incompréhensible à leurs yeux. “Le 2 janvier, j’ai vu que j’étais radié”, raconte Mehdi Diadi, au chômage depuis l’automne. Cet habitant de Saint-Sornin pense à une erreur et court à son agence d’Angoulême. “Ils m’ont expliqué qu’ils m’avaient convoqué le 10 décembre. Je n’avais rien reçu. Ils m’ont relancé pour me demander pourquoi je n’y étais pas allé. Je n’ai pas davantage reçu cette lettre.” À l’accueil de Pôle emploi, on lui demande de rédiger un courrier de recours à la direction, ce qu’il fait dans la foulée. “Si c’est refusé, je serai radié deux mois. Je ne pourrai pas me réinscrire avant fin février. Je ne toucherai pas d’argent avant le mois d’avril.”
Chaque mois dans la région, ils sont plus de 1 000 à disparaître d’un trait de plume des statistiques de Pôle emploi. Et donc des chiffres du chômage. Jean-François Herbert, à Saint-Sornin, a aussi été exclu pendant les fêtes. Cela lui était déjà arrivé une fois: “J’avais un autre rendez-vous, plus important, le même jour. Je leur ai demandé s’ils pouvaient le décaler. Ils ont refusé.”
Gina Laspeyres, une Charentaise désormais installée en Gironde, a subi la même mésaventure. “Je leur ai montré qu’il n’y avait aucune trace de la convocation dans mon espace personnel, sur internet. Ils m’ont fait faire un recours. Je suis seule avec deux enfants en bas âge, mes factures ne vont pas attendre”, dit la jeune femme, désespérée.
Les représentants syndicaux du personnel de Pôle emploi ne s’étonnent guère: les radiations sont le moyen le plus simple de faire sortir les chômeurs des statistiques. Céline Lambert-Dudognon, déléguée syndicale du Syndicat national unitaire (SNU) en Poitou-Charentes, décode: “On met la pression sur les sites qui ont moins de sorties de demandeurs d’emploi. On observe aussi, parfois, la mise en concurrence entre conseillers. C’est insidieux.” Au moindre faux pas, le couperet tombe.
“Normalement, notre mission devrait être de simplifier la vie des demandeurs d’emploi, déplore Céline Lambert-Dudognon. Là, tout se passe comme si on cherchait à compliquer les choses. Quand ils s’inscrivent, tout va très vite. On utilise un jargon qu’ils ne comprennent pas forcément.”
Ils doivent notamment dire s’ils acceptent de recevoir les informations qui les concernent dans un espace personnel sur le net. Certains cochent la case alors qu’ils n’ont pas de connexion ou qu’ils ont une maîtrise très insuffisante de l’outil. Dès lors, le courrier papier n’est plus obligatoire. Par ailleurs, les politiques sont différentes d’un site à l’autre. Certains relancent par SMS ou par mail, d’autres pas.
Les motifs jugés recevables donnent l’impression d’être examinés au doigt mouillé. Virginie Sutter, malade, avait prévenu par mail qu’elle ne pourrait pas se rendre à sa convocation, gardant le lit chez elle à Champniers. “On m’a demandé d’envoyer un certificat médical. Ce que j’ai fait. J’ai quand même été radiée parce qu’ils voulaient un arrêt maladie. J’avais déjà été exclue pour avoir choisi d’aller au chevet de ma mère très malade plutôt que d’aller à mon rendez-vous.”
La panne n’est pas non plus une excuse recevable. “Quand on est en fin de droits, on est dans la galère financière, raconte Vanessa, de Saint-Yrieix. Ma voiture est tombée en panne, je n’ai pas pu aller au rendez-vous. Il aurait fallu que je fournisse un certificat du garagiste.”
Traitement de masse
Céline Lambert-Dudognon explique: “En cas d’absence à une convocation, la décision de radiation est laissée à la libre appréciation des agents. Avant, on pouvait tolérer certains motifs. Là, on est vraiment dans le traitement de masse. Et ce n’est pas le conseiller qui suit le demandeur d’emploi qui s’occupe de la radiation, c’est un autre agent, qui ne connaît pas le cas.” Résultat: un même motif peut être accepté à tel endroit et refusé à tel autre.
La tendance ne risque pas de s’améliorer. “À partir de ce mois de janvier, la déclaration préalable à l’embauche sera croisée automatiquement avec les fichiers de Pôle emploi. Les radiations seront encore plus courantes. Avant, on avait une souplesse. Le chômeur pouvait attendre la confirmation de son contrat de travail. Si le contrat était précaire, on pouvait laisser un délai. Maintenant, dès qu’un chômeur appelle pour dire qu’il ne peut pas venir à un rendez-vous parce qu’il a un entretien d’embauche, on peut bloquer le versement de ses indemnités.”
Sollicitée, la direction régionale de Pôle emploi a préféré “ne pas répondre” à nos questions.
Les motifs de radiation sont multiples. Le demandeur d’emploi peut être radié s’il n’a pas répondu à une convocation, s’il n’a pas actualisé sa situation, s’il ne recherche pas assez activement un travail, s’il refuse des offres d’emploi ou s’il refuse une prestation. Pôle emploi envoie un avertissement avant radiation, avec un délai de quinze jours pour s’expliquer. Si la réponse n’est pas satisfaisante, la radiation est effective. Avec pour conséquence une interruption du versement des prestations qui peut durer jusqu’à six mois.
La plupart des radiés sont en colère, mais résignés. “Il y a très peu de contestations, constate la déléguée SNU. Beaucoup ne savent pas qu’ils peuvent contester en agence. Et si ça n’aboutit pas, ils savent encore moins qu’il y a un médiateur au niveau régional.” Ils peuvent aussi faire appel à l’un des deux défenseurs des droits de Charente: Jack Bonnin et Raymonde Jamard (jack.bonnin@defenseurdesdroits.fr, raymonde.jamard@defenseurdesdroits.fr).
C’est le nombre moyen de radiations administratives chaque mois en Poitou-Charentes sur les douze derniers mois.
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Source: Charente Libre (par Laurence Guyon) / Relayé par Meta TV