Une dérogation a été donnée à la Guyane pour faire usage du malathion, un insecticide hautement toxique interdit en Europe depuis 2007, afin de lutter contre le chikungunya. Problème : le degré de nuisance du produit, qualifié de « mortel » par des scientifiques.
Le malathion est un insecticide et un neurotoxique. Un composé dit « organophosphoré » dont l'utilisation est interdite en Europe depuis 2007 et en France depuis 2008. Pourtant, par le biais d'une dérogation, la préfecture et le conseil général (chargé des opérations de démoustication) ont reçu le 5 août l'autorisation d'en faire usage dans le département. Ce, pendant une durée de 180 jours, dans le but de lutter contre la propagation du virus du chikungunya, qui a touché 1528 personnes en Guyane selon l'Agence régionale de Santé.
LES AUTORITÉS APPROUVENT
Une décision devenue effective depuis la parution hier au Journal officiel de l'arrêté signé par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie ainsi que celui des Affaires sociales et de la Santé. Pour justifier de cette dérogation (inscrite à l'article 55, paragraphe 1 du règlement de l'Union européenne), sollicitée par le préfet depuis le 21 février, il est fait état de la résistance des moustiques au produit actuellement utilisé en Guyane, la deltaméthrine. Une décision approuvée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire et de l'alimentation ainsi que par le Haut conseil de la santé publique. Un consensus des plus surprenants, compte tenu de la haute toxicité du malathion.
« ÇA TUE TOUT! »
Christophe Duplais, chimiste du Centre national de la recherche scientifique, s'insurge contre cette mesure. « Il s'agit d'une molécule qui va se dégrader en quelque chose d'encore plus nuisible, affirme-t-il. Ça tue tout. » De fait, le malathion pulvérisé se décompose en une autre substance nommée le malaoxon et considérée comme étant 60 fois plus nuisible.
« Le problème est que les pulvérisations se font depuis la route, sur 5 à 10 mètres, poursuit le scientifique. Plus loin, on ne trouve que des traces du produit. Elles ne suffisent pas à tuer le moustique mais constituent des doses homéopathiques qui favorisent la résistance. Par ailleurs, pulvériser, ça veut dire que le produit va dans les jardins, les fruits, les légumes. » De plus, le malathion s'attaque aussi aux insectes dits « utiles » , comme les abeilles. Sur les zones aquatiques, il s'avère nocif pour les populations d'amphibiens.
« Des gens prennent des décisions et choisissent d'utiliser un produit mortel et toxique sans consulter ni les scientifiques ni la population, peste Christophe Duplais. Quel niveau de risque doit-on atteindre pour se protéger contre le chik ? »
Une dérogation a également été accordée pour Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. À Nouméa, l'usage du malathion suscite de nombreuses réactions d'hostilité au sein de la population.
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Source : France-Guyane / Par Thomas FETROT, le 14.08.2014