Une interdiction définitive d'exercer la profession de policier et une amende de 10 000 euros ont en outre été requises contre le policier, qui travaillait au service de traitement des contraventions et a été suspendu de ses fonctions. Huit et neuf mois de prison avec sursis, assortis d'amendes de 3 000 et 5 000 euros ont également été demandées par le procureur Anne Coquet à l'encontre de deux autres policiers, ainsi que des interdictions temporaires d'exercer.
«J'étais sollicité par des gens très haut placés»
Monde politique, du show-bizz, de la police, de la presse, «j'étais sollicité par des gens très haut placés». Chauve, trapu, le policier, suspendu de ses fonctions, a raconté au tribunal correctionnel de Paris comment il a basculé.
Un ancien l'avait prévenu de ne «surtout pas» prendre «ce poste-là», au service de traitement de contraventions de la préfecture de police de Paris, «un poste à risque». «Dangereux, parce que l'IGS (ndlr : l'Inspection générale des services, la police des polices) était déjà passée plusieurs fois.»
«Plus on accepte les sollicitations, plus il y en a», raconte Bruno, 47 ans, «et il y a un moment où on n'en peut plus». Mais alors, fait observer le président, «si on est dans un service tentateur…», «…on ne devrait pas y rester», intervient le prévenu.
Dans ces locaux, «le public est admis», a-t-il poursuivi. «On n'est pas la Foire de Paris», mais «énormément de monde» y passait, avec une «hiérarchie très complaisante».
«J'ai fait deux demandes de mutation en 2008 et 2007 (…) refusées par mon commandant, justement parce que je savais trop de choses», a-t-il avancé. S'il jouait assidûment au tiercé, pour un budget et 100 à 150 euros par mois, il n'y avait «pas de lien de cause à effet».
«Un treizième mois»
Outre les divers cadeaux, invitations, les annulations de PV lui auraient rapporté quelque 3.000 euros par an. «Un treizième mois», note le président.
«Une fois que quelqu'un a votre numéro de téléphone, ça fait boule de neige, vous êtes sollicité par un nombre incalculable de personnes», explique le prévenu. Issu d'une famille de policiers, ses parents dans la salle, il répète qu'il est rongé par la «honte», «d'avoir sali (sa) tenue, (son) métier de flic», «c'était tellement facile».
Pour la plupart des PV, il suffisait de repérer un point qui manque pour en faire un «annulé technique» ou de rajouter une rature. Pour les autres, il pouvait solliciter une indulgence.
Son avocat, Me Alexandre-M. Braun, l'interroge sur un article de presse récent, selon lequel l'épouse de l'ancien ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, aurait fait sauter une contravention pour une amie. «Je préfère m'abstenir de répondre, je pense que mes paroles vont dépasser ma pensée».
«Ni les premiers ni les seuls à avoir fait sauter des PV»
L'affaire avait éclaté après que le gérant d'une société spécialisée dans le contentieux lié aux annulations de points eut affirmé que le policier lui avait proposé ses services, et notamment 100 euros par point de permis dont l'annulation a pu être évitée. Un «tarif théorique», mais «jamais appliqué», selon l'avocat du policier.
Dans cette affaire de «trafic», qui a permis «un enrichissement à la petite semaine», les policiers impliqués «ne sont ni les premiers ni les seuls à avoir fait sauter des PV», a souligné dans son réquisitoire le procureur Anne Coquet.
La magistrate a également requis devant le tribunal correctionnel de Paris six mois de prison avec sursis et 1 500 euros d'amende contre trois autres policiers poursuivis pour complicité, et quatre mois avec sursis et 5 000 euros d'amende contre les trois corrupteurs présumés, un marchand de vin, un marchand de vêtements et un coiffeur.
Le procès se poursuit vendredi avec les plaidoiries de la défense.
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Source(s) : Le Parisien, le 09.04.2014