Parfois le jeu vidéo sait s’emparer de l’actualité, quitte à la tordre un peu pour poser des questions sur notre société. C’est le cas de “Not Tonight”, un jeu qui vous met dans la peau d’un videur déchu de sa nationalité britannique, qui va tenter de subsister dans une version cauchemardesque du Brexit.
Le contexte du jeu ne va pas beaucoup dépayser l’amateur d’actualité : un Royaume-Uni où le Brexit serait devenu une réalité, mais un Brexit version très, très dure. Non seulement le pays a rompu avec l’Union européenne, mais il considère désormais ses ressortissants comme des sous-citoyens, parqués dans des quartiers en ruines en attendant d’être renvoyés “chez eux”.
Le jeu vous met dans la peau d’un malheureux ex-Britannique, déchu de sa nationalité. La faute à un grand-père nordique, à un formulaire manquant, peut-être à des parents immigrés espagnols… La raison n’a en fait que peu d’importance : vous êtes désormais pour beaucoup un simple “euro”, un mot devenu presque injurieux. Et vous avez péniblement obtenu un emploi d’agent de sécurité pour la cérémonie du premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir du parti d’extrême-droite “Albion First”, au slogan évocateur : “Britain Alone”.
“Euros, go home !”
Quelques minutes plus tard, alors que vous êtes en train de contrôler les billets des invités, la coupole de la National Gallery est soufflée par une explosion. Un attentat contre le nouveau pouvoir britannique, sans doute provoqué par l’une des personnes que vous venez de laisser entrer… Votre personnage pourrait donc avoir joué un rôle dans cette attaque ? Pour savoir si c’est le cas et comment vous en êtes arrivé là, le jeu vous fait revenir un an auparavant, le jour où vous avez perdu votre statut de citoyen britannique.
Vous êtes officiellement la “personne d’origine européenne numéro 112”, relogé dans l’appartement 7 du bloc B des “bâtiments de relocation des citoyens européens”, et vous êtes sous la responsabilité du très désagréable officier Jupp, raciste et procédurier. Pour vous en sortir au quotidien, vous n’avez pas le choix : le ministère de l’Héritage Européen vous a assigné un emploi obligatoire, celui de videur.
Tout le concept du jeu est a priori tout simple : vous êtes chargé de vérifier les cartes d’identité des clients de boîte de nuit, de restaurants ou de pubs britanniques, pour des patrons plus ou moins antipathiques. Au fil des nuits de travail, vous allez gagner de l’argent, améliorer votre score social, indispensable pour avoir le droit de rester dans le pays, mais aussi aider ou non des membres de la résistance, en leur ouvrant les portes de lieux inaccessibles.
Un videur à la tête bien pleine
Jouer le quotidien d’un videur est forcément un peu répétitif, mais c’est pour la bonne cause : le message du jeu passe aussi par cette monotonie. Il fait ressentir à quel point il est facile de devenir soi-même un simple rouage d’une machine à broyer les citoyens et la démocratie, mais aussi à quel point il suffit parfois de quelques subtiles entorses aux règles pour rendre le monde un peu meilleur.
Avec son style minimaliste et son humour parfois très noir, “Not Tonight” part du scénario le plus pessimiste pour offrir un message d’espoir : même le plus modeste des citoyens a le pouvoir de changer les choses.
► NOT TONIGHT – Disponible sur PC
Merci à Julien Baldacchino, Adrien Bossard et Sébastien Sabiron pour le doublage des voix
Source : France Inter