“Mon frère disait que l’islam, ce n’est pas tuer des gens”

Une soeur de Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d’avoir voulu préparer un attentat contre “une ou deux églises” catholiques et d’être impliqué dans le meurtre d’Aurélie Châtelain en banlieue parisienne, a estimé jeudi que son frère n’est pas “un extrémiste de l’islam” et qu’il ne s’est pas radicalisé. Elle a par contre révélé que son frère connaissait très bien la jeune femme de 32 ans tuée dimanche. Les enquêteurs, eux, recherchent les éventuels complices de Sid Ahmed, qui est toujours muré dans le silence.

“Mon frère n’a pas changé. Il n’y a pas eu de radicalisation. Je suis choquée par tout ça. Nous, on n’y croit pas. (…) Mon frère aussi parle avec les femmes et les respecte. Il est resté comme il a toujours été. Il n’a jamais eu de propos extrémistes”, déclare cette jeune femme qui habite Saint-Dizier (Haute-Marne), lorsqu’on lui demande si elle a remarqué un changement d’attitude chez son frère.

“Manipulé”
“On ne croit pas que des armes ont été retrouvées chez lui. Je pense qu’il a été manipulé par des gens de l’extérieur, qui l’ont peut-être menacé. On n’est pas des terroristes”, ajoute-t-elle. “Mon frère n’a jamais été un extrémiste de l’islam. Il a toujours été droit. Il donnait des cours de langue arabe aux hommes et moi aux femmes, à la grande mosquée El-Fath (à Saint-Dizier, ndlr). (…) Il était toujours souriant, il rendait service. (…) On est très, très choqué par ce qui se passe en ce moment. On ne s’attendait pas à cela”, insiste cette femme qui porte un simple foulard mais pas la burqa.

“Normal et joyeux, contre la violence”
“Je suis allée chez lui il n’y a pas longtemps et il n’y avait rien de tout ce qui a été décrit dans les médias (des armes notamment, Ndlr). (…) Je l’ai eu au téléphone samedi, il m’a demandé des nouvelles des enfants et du quartier. Je l’ai vu aussi mardi dernier, il était normal et joyeux. Il devait même venir nous voir dimanche”, affirme-t-elle. Elle ajoute lorsqu’on lui demande s’il avait des contacts en Syrie, que son frère “n’a jamais parlé d’aller là-bas” : “Il est contre la violence. Il nous dit que l’islam, ce n’est pas ça, ce n’est pas tuer des gens. Il ne supporte pas du tout ça”.

Interpellation à Saint-Dizier
Au sujet de la jeune femme interpellée mercredi à Saint-Dizier, la soeur de Sid Ahmed explique : “C’était mon ex-copine. Je l’ai rencontrée à la mosquée, mais je ne lui parle plus depuis un an et demi. Mais avant ça, elle voulait se marier avec lui, mais ça ne marchait pas. Il n’a pas voulu”.

Deux à trois complices recherchés
Les enquêteurs s’activaient jeudi, au lendemain de la révélation de l’attentat déjoué contre des églises de Villejuif, pour mettre au jour les éventuelles complicités et soutiens logistiques dont a pu bénéficier le suspect Sid Ahmed Ghlam, qui s’est muré dans le silence.

Moins de quatre mois après les attaques jihadistes de Paris, un attentat “imminent” contre “une ou deux églises” catholiques vient selon les autorités d’être évité avec l’arrestation fortuite d’un homme par ailleurs soupçonné d’être impliqué dans le meurtre inexpliqué d’Aurélie Châtelain, commis en banlieue parisienne.

Départ probable en Syrie, ordres de l’EI
Cet Algérien, Sid Ahmed Ghlam, étudiant de 24 ans, arrêté dimanche matin à Paris et placé en garde à vue médicalisée à l’Hôtel Dieu, est connu des services de renseignement pour ses “velléités de départ en Syrie” dans les rangs jihadistes, a annoncé le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Arrivé avec sa famille en 2001 dans cette ville de Haute-Marne, Sid Ahmed Ghlam est retourné en Algérie en 2003 où il a passé son baccalauréat en 2010. Revenu en France, ce célibataire sans enfant a entamé des études d’électronique.

Selon le procureur de Paris, François Molins, le suspect, qui avait chez lui des documents sur les “organisations terroristes Al-Qaïda et État islamique”, a évoqué les “modalités de commission d’un attentat” avec une personne “pouvant se trouver en Syrie”. Cette dernière lui a demandé “explicitement de cibler particulièrement une église”.

Arsenal
Dans le véhicule et au domicile du suspect, la police a découvert un “arsenal composé notamment de plusieurs armes de guerre, d’armes de poing, de munitions, de gilets pare-balle”, a ajouté Bernard Cazeneuve. Mais le ministre a balayé toute défaillance des services de renseignement. Des “vérifications sur l’environnement” de l’étudiant en 2014 et 2015 n’ont pas justifié “l’ouverture d’une enquête judiciaire”, a-t-il expliqué. La Direction générale de la sécurité intérieure, qui l’a notamment convoqué après un possible voyage en Turquie, “a fait tout ce qu’elle doit faire dans ces circonstances”, a-t-il assuré sur TF1.

Des circonstances rocambolesques
L’arrestation de Sid Ahmed Ghlam a pourtant été totalement fortuite. L’étudiant algérien a lui-même appelé le Samu dimanche à 08H50, se disant “blessé par balle à la suite d’un vol avec arme” dans le XIIIe arrondissement de Paris, selon le procureur. Les enquêteurs n’excluent pas qu’il se soit blessé tout seul avec une de ses armes. Les policiers trouvent alors, à proximité, sa voiture et, à l’intérieur, un gyrophare, une partie de l’arsenal et des traces de sang.

Suit une perquisition dans sa chambre étudiante. D’autres perquisitions ont aussi été réalisées dans son entourage, notamment à Saint-Dizier, dans le quartier sensible du Vert-Bois où une femme âgée de 25 ans, vêtue d’une burqa, a été interpellée.

L’enquête antiterroriste dirigée par le parquet de Paris devra déterminer les éventuelles complicités dont il a bénéficié, ses sources de financement et la provenance de son arsenal.

Un meurtre improvisé sur son chemin? Impossible
Les enquêteurs ont fait un recoupement troublant entre l’étudiant et le meurtre d’une Nordiste de 32 ans, Aurélie Châtelain, retrouvée tuée d’une balle dans sa voiture dimanche matin à Villejuif. Selon le procureur, le suspect avait fait des recherches sur les églises de cette banlieue proche de Paris. “Il y avait des sites qui avaient été identifiés, des distances qui avaient été évaluées entre le commissariat et ces églises, et par conséquent on a estimé qu’il était possiblement sur le chemin de la commission de ces actes au moment où il a procédé au crime d’Aurélie Châtelain”, peut-être pour lui voler sa voiture, a indiqué Bernard Cazeneuve.

Selon le procureur, l’exploitation du GPS du suspect atteste également de sa présence dans cette ville du Val-de-Marne, à l’heure où la jeune femme a été tuée. La balle a été tirée avec un revolver du suspect, dont l’ADN a aussi été trouvé dans le véhicule d’Aurélie Châtelain. La soeur du suspect affirme par contre désormais que son frère connaissait très bien la victime et qu’elle était même éperdument amoureuse de lui. Des déclarations qui invalident totalement la thèse de la police d’un vol de voiture.

La garde à vue de Sid Ahmed Ghlam peut être prolongée jusqu’à six jours, une durée exceptionnelle que la loi n’autorise que face au “risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste”.

Spectre terroriste depuis Charlie Hebdo
En janvier, une série d’attentats jihadistes à Paris et en banlieue, contre Charlie Hebdo, une policière municipale et un supermarché casher, ont fait 17 morts. Les trois tueurs, les frères Saïd et Chérif Kouachi d’une part et Amédy Coulibaly d’autre part, ont été abattus par les forces de l’ordre.

Cette fois, “ce sont les catholiques de France qui étaient visés”, a estimé le Premier ministre Manuel Valls: “Vouloir s’en prendre à une église, c’est s’en prendre à un symbole de la France, c’est l’essence même de la France qu’on a sans doute voulu viser”. La Conférence des évêques de France a appelé ses fidèles à “ne pas céder à la peur” face à une “initiative isolée”.

Source : 7 sur 7

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