Les tomates sont ravagées par les mouches blanches. Actuellement, on utilise une espèce de punaises prédatrices pour lutter contre les dommages que causent ces mouches, mais son caractère cannibale pourrait bien diminuer son potentiel de prédation.
La punaise prédatrice Macrolophus pygmaeus est utilisée depuis de nombreuses années comme agent de lutte biologique. Elle se révèle très efficace contre les aleurodes, ou mouches blanches, qui font des ravages sur les cultures de tomates en Méditerranée. Mais à l'instar de nombreux autres insectes, elle est cannibale, ce qui peut influer sur son appétit pour les aleurodes et donc diminuer son potentiel de prédation. D’après une nouvelle étude de chercheurs de l'IRD et leurs partenaires, ce comportement serait même inscrit dans son ADN, et non dicté par la disponibilité des ressources alimentaires, comme c’est en général le cas. En effet, leur expérience révèle que 60 à 70 % des individus, mâles et femelles confondus, ont invariablement recours au cannibalisme. Les résultats de l'étude font l'objet d'un article paru dans la revue The Canadian Entomologist.
Se nourrissant à la fois de plantes et d’autres insectes, la punaise M. pygmaeus est également cannibale. Ce trait comportemental n’avait pas été démontré jusque-là. C’est aujourd’hui chose faite grâce à une nouvelle étude de chercheurs de l’IRD et leurs partenaires. Ceux-ci ont mis en présence en laboratoire des punaises adultes avec des proies (œufs de la pyrale de la farine) et des plants de tabac, qu’elles consomment habituellement, ainsi que des larves de leur propre espèce, dites « conspécifiques ». Leurs résultats, qui apportent la preuve d’une tendance cannibale, sont surprenants : invariablement, 60 à 70 % des individus consomment des larves conspécifiques. Autrement dit, la disponibilité des ressources alimentaires n’influe pas sur le taux de cannibalisme, comme c’est en général le cas chez d’autres espèces. La présence d’autres sources de nourriture va seulement diminuer la quantité de larves conspécifiques consommées.
La punaise Macrolophus pygmaeus est cannibale, les larves et les adultes se nourrissent essentiellement d'acariens. © Olivier Bonato, IRD
Le cannibalisme est un phénomène répandu dans le règne animal et très commun chez les insectes. Il est souvent une réponse adaptative pour réguler la population de l’espèce en relation avec les ressources disponibles. De nombreuses études menées chez d’autres insectes ont montré que la rareté de la nourriture est en général le facteur déterminant d’un comportement cannibale. En outre, les femelles, qui ont des besoins nutritionnels spécifiques, y ont plus largement recours. Chez M. pygmaeus, le nombre d’individus cannibales se révèle également indépendant du sexe : mâles et femelles ont montré un même appétit pour les larves conspécifiques. Ce taux de cannibalisme constant observé par les chercheurs indique que ce comportement serait prédéterminé génétiquement chez la punaise.
Tempérament cannibale de Macrolophus pygmaeus à prendre en compte
Outre les paramètres environnementaux, tels que la température et l’humidité de l’air ambiant, la nature cannibale de M. pygmaeus est une donnée à prendre en considération pour la réussite d’un programme de lutte biologique. En effet, il influe sur l’appétit des punaises et donc sur leur potentiel de prédation contre les aleurodes. De plus, du fait de la prédation des larves, les populations de punaises mettent plus longtemps à s’implanter dans les cultures de tomates, ce qui peut retarder leur action en tant qu’agent biologique.
Pour pallier ces inconvénients, les chercheurs préconisent de nourrir les punaises au début de leur introduction avec des œufs de la pyrale de la farine, afin de maintenir un certain nombre de larves conspécifiques. Cependant, ce caractère peut aussi présenter des avantages : après avoir éliminé les petites mouches blanches ou autres ravageurs, les populations de punaises peuvent se maintenir en se nourrissant des larves conspécifiques et continuer ainsi de protéger les cultures.
Ces travaux s’inscrivent dans une volonté d’améliorer la viabilité économique et la durabilité des pratiques agricoles conformément aux nouvelles exigences écologiques et à une démarche qualité, plus particulièrement pour la filière tomate en Méditerranée.