La situation autour de la crise budgétaire américaine est entrée en phase de «compte à rebours» parce que le budget des États-Unis s’épuisera pratiquement vers le 17 octobre. Si la Maison Blanche et l’opposition ne se mettent pas d’accord sur un nouveau relèvement du plafond de la datte publique, le pays est menacé soit de cessation de paiements, soit du régime d’austérité. Les deux scénarios sont graves de conséquences catastrophiques pour l’économie mondiale, c’est pour cette raison que le monde place pendant la semaine qui reste tous ses espoirs dans le bon sens des autorités américaines.
L’agence Bloomberg qui fait autorité sur les marchés financiers a prédit la semaine dernière l’effondrement de l’économie mondiale si les États-Unis cessaient leurs paiements sur les engagements extérieurs. Les analystes comparent le défaut de paiements à la faillite de la Banque d’investissement Lehman Brothers qui avait déclenché la crise de 2008. Mais la situation se présente cette fois sous des couleurs encore plus sombres.
Si les États-Unis cessent les paiements, estime Bloomberg, il s’ensuivra une déstabilisation des marchés financiers du Brésil à Zurich et l’effondrement du dollar. Les cours de l’or monteront en flèche et tous les actifs seront à court de finances. Le système financier cessera d’exister sous sa forme actuelle, a dit dans l’interview à La Voix de la RussieMarc Rubinstein, directeur de département à la société d’investissement «MetrOpol» :
«Ce sera la disparition du principal outil des règlements sur les marchés financiers que sont les titres américains et ce sera alors un véritable collapse des marchés financiers. Les bons du trésor américains sont utilisés en nantissement d’une quantité prodigieuse de transactions sur le marché global et il va de soi qu’il n’y aura pas de transaction faute de nantissement.»
D’ailleurs, le républicain John Beiner, président de la Chambre des représentants du Congrès, a promis au début de la semaine à ses collègues de tout faire pour empêcher le défaut sans pour autant préciser comment il s’y prendrait. Néanmoins, Barack Obama et consorts, s’est entretenu jeudi avec les députés républicains. Les députés des deux partis déclaraient jusqu’ici qu’ils pourraient accepter un compromis partiel. Même si le compromis en question n’a pas été atteint, les négociations et l’intention de les poursuivre manifestée par les fractions rivales, peut déjà s’interpréter comme un fait positif. De sucroît, le Congrès américain contrôlé par les démocrates, se propose de voter ce week-end le relèvement d’un trillion de dollars du plafond de la dette publique. Harry Read, leader de la majorité démocrate au Sénat, a précisé que ce vote allait justement montrer dans quelle mesure les républicains étaient disposés à avancer dans le règlement de la crise.
Rappelons qu’avant jeudi, Obama refusait d’entrer en polémique avec les républicains aussi longtemps qu’ils n’adoptent au moins le budget provisoire et ne relèvent le plafond de la dette. A leur tour, les républicains ne sont prêts que pour les concessions provisoires parce qu’ils rejettent entièrement le programme social de leur président, surtout le réforme de la santé publique. La guerre que se livrent les fractions rivales bloque depuis 10 jours toutes les institutions américaines et des milliers d’employés sont envoyés en congés non payés.
Les experts notent cependant que dans leur grande majorité, les congressistes américains sont des gens normaux et pleins de bon sens. Ils ont à l’unanimité trouvé une subtilité juridique qui a permis de réintégrer ces jours-ici les employés civils du ministère de la défense et de la CIA. Il s’agit d’une nouvelle interprétation de la loi des finances.
Au départ de ce fait accompli et se fondant sur l’expérience des batailles antérieures entre l’administration présidentielle et le congrès, de nombreux analystes sont quasiment certains de la résolution de la crise actuelle. Les républicains et les démocrates finiront bien par s’entendre au Congrès tant sur l’éventuelle réduction des dépenses que sur le relèvemebnt du plafond de la dette, estime le PDG d’Arbat Capital Alexeï Goloubovitch :
«Les économistes sérieux et les experts en marchés financiers savent que le plafond de la dette sera forcément relevé et qu’il n’y aura pas de cessation de paiements. Les États-Unis trouveront le moyen de se mettre d’accord pour continuer de financer les dépenses budgétaires. Au mieux, le budget sera légèrement réduit sous pression des républicains et, au pire, les républicains vont jeter l’éponge.»
On a l’impression que les députés peuvent passer de longues semaines sans arriver au consensus sur le budget. Dans le pire des scénarios, la discussion sera reportée à l’année suivante, suppose Vladimir Rojankovski, directeur du département analytique du groupe d’investissement « Nord-Capital ». La situation en ce qui concernde le plafond de la dette, est assez banale, estime l’expert :
«Je pense que le débat sera surtout focalisé sur le plafond de la dette. Certes, il faut faire le relèvement mais dans des proportions minimales, de l’ordre de 200 milliards de dollars. Ce montant suffira à stabiliser la situation actuelle au moment d’adoption de la loi des finances en dernière lecture. Dans ce cas, aussi bien la Réserve Fédérale que le Ministère des finances, pourront honorer leurs engagements. En ce qui concerne le budget, je crois qu’on finira par adopter une version intermédiare permettant de financer les institutions publiques et on continuera à discuter sur ce fond du plafond de la dette comme sujet plus important que le budget.»
Raymond MacDaniel, le PDG de Moody’s, doute également de la réalité de la cessation de paiements par le trésor qu’il qualifie de « fiction ». N’oublions pas que la décision sur un nouveau relèvement du plafond de la dette avait également traîné en 2011 à cause du bras de fer entre les républicains et les démocrates. Pourtant, les deux fractions ont fini par s’entendre.
D’autre part, les prévisions pessimistes ne manquent pas non plus dans les milieux d’experts. Ainsi, le Financial Times cite l’analyste Gavyn Davies qui admet que les républicains et les démocrates ne se mettront pas d’accord sur la limite de la dette. Dans ce cas, Obama ne se décidera pas à cautionner la cessation de paiements mais exigera en revanche l’application des mesures d’austérité. Ces mesures avaient déjà provoqué la récession dans plusieurs pays européens et on ne peut que conjecturer sur les répercussion de cette décision dans le monde, étant donné le rôle que les États-Unis jouent dans l’économie globale.
La possible cessation de paiements au titre du service de la dette, peut provoquer une chute de 10% du PIB américain, estime le prix Nobel d’économie Paul Krugman. A soin avis, à défaut du rèlevement du plafond de la dette, le gouvernement pourra préférer les paiements sur les créances courantes au détriment des programmes sociaux et, plus particulièrement, du système d’assurance des retraites.
D’ailleurs, même l’adoption du budget provisoire pour voter le relèvement du plafond de la dette, n’est pas de nature à encourager les investisseurs, estime Vladimir Rojankovski. La tension se maintiendra aussi longtemps qu’existe la menace réelle de révision en baisse de la note souveraine des États-Unis par les agences de notation Fitch Ratings et Moody’s.
Source: La Voix de la Russie (Nikita Sorokine)