Un couple incestueux parent de quatre enfants a fait l'objet de plusieurs condamnations en Allemagne. Selon un avis consultatif du Conseil d'éthique, ils enfreignent un "tabou moral" mais ne relèvent pas du droit pénal.
Le Conseil d'éthique allemand propose de dépénaliser les relations sexuelles consenties entre frère et sœur adultes, estimant que "protéger un tabou social" et "fixer des barrières morales" ne relève pas du droit pénal, dans un avis publié mercredi.
Un couple et quatre enfants
Les Sages allemands se sont saisis de ce thème après l'histoire très médiatisée d'un couple incestueux de Leipzig, qui s'était connu à l'âge adulte après une jeunesse chaotique. Ces parents de quatre enfants, dont deux handicapés, avaient fait l'objet de plusieurs condamnations. Patrick Stübing, qui a passé plus de trois ans derrière les barreaux, et Susan K., un temps placée en institution en raison de son retard mental, s'étaient tournés en vain vers la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, en 2008, puis vers la Cour européenne des droits de l'homme en 2012.
Les deux juridictions avaient rejeté la requête du couple contre l'article 173 du Code pénal allemand, qui punit de "deux ans de prison ou d'une amende" les rapports sexuels entre un frère et une sœur majeure, évoquant notamment les risques accrus de handicap pour les enfants issus d'une telle union.
Un simple "tabou social"
Mais le Conseil d'éthique, à la majorité de 14 membres contre neuf, estime que "la loi pénale n'est pas le moyen adapté de protéger un tabou social" ni "d'imposer des standards ou des barrières morales", mais vise seulement à protéger "les individus" et "l'ordre social" contre les atteintes graves. Or les Sages allemands jugent que ces objectifs sont suffisamment garantis par la section suivante du Code pénal, qui réprime les viols, agressions et atteintes sexuelles, et par la pénalisation de l'inceste entre ascendants et descendants, même majeurs.
"Selon toutes les données disponibles, l'inceste entre frère et sœur est très rare dans les sociétés occidentales" et le risque de sanctions contraint les couples concernés "au secret et à la négation de leur amour", ce que le Conseil d'éthique juge contraire au droit à "l'autodétermination sexuelle". Les avis du Conseil d'éthique ne lient en rien les députés allemands, mais préfigurent parfois un changement de législation. Cela avait été le cas en 2011, pour le diagnostic préimplantatoire en cas de fécondation in vitro.
L'inceste n'est pas toujours une infraction pénale spécifique
Les pays européens ont des approches différentes de l'inceste, comme la CEDH l'avait relevé dans un arrêt de 2002. En Espagne ou en France, il ne constitue pas une infraction autonome, mais aggrave la peine encourue en cas de relation avec un mineur ou de relation non consentie. A l'inverse, l'Allemagne mais aussi l'Angleterre, le Danemark, la Grèce ou la Suisse en font une infraction pénale spécifique. Le Canada définit même l'inceste comme un "acte criminel", passible de quatorze ans d'emprisonnement.
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Source(s) : Libération / L'Express, le 25.09.2014