Voilà encore une feuille de paye qui va faire couler beaucoup d'encre. La rémunération de Jamie Dimon, le PDG de JPMorgan Chase, a augmenté de 74 % en 2013 malgré les déboires judiciaires de la plus grande banque américaine. Le conseil d'administration a accordé au patron la somme totale de 20 millions de dollars, dont 18,5 millions en actions.
Les administrateurs justifient ce montant par « la performance de long terme préservée de l'entreprise, ses gains de part de marché, la satisfaction des clients, les problèmes juridiques auxquels fait face l'entreprise et les mesures prises pour les résoudre ». Une lecture particulière d'un exercice qui aura été marqué par une succession d'amendes.
UN CHIFFRE D'AFFAIRES EN RECUL DE 2 %
La banque a accepté de payer 2,6 milliards de dollars pour arrêter les poursuites dont elle faisait l'objet. La « baleine de Londres », surnom donné à un trader qui a fait perdre 6 milliards de dollars à la banque en 2012 sur de mauvais paris financiers, a donné lieu à une pénalité de 900 millions. Sans compter les 13 milliards destinés à régler une série de litiges liés à la crise immobilière de 2008.
Ces sanctions infligées par la justice américaine et les différents régulateurs avaient obligé JPMorgan à afficher au troisième trimestre 2013 ses premières pertes depuis que M. Dimon dirige la banque, tandis que le bénéfice annuel, lui, a dégringolé de 16 % et que le chiffre d'affaires accuse en recul de 2 %. On pourra également noter que le bond de la rémunération est deux fois supérieur à la hausse qu'a connu le cours de Bourse en 2013.
« RETOUR À LA NORMAL » POUR LE ROI DE WALL STREET
Par ailleurs, les salariés de JPMorgan, eux, ont dû se contenter d'une augmentation de 1 %. Enfin, la rémunération du reste de l'équipe dirigeante est restée stable. L'explication tient dans le fait que M. Dimon avait été le seul à voir sa rémunération baisser de moitié en 2012, à la suite de l'affaire de la « baleine de Londres ».
Il ne s'agit donc que d'un « retour à la normale » pour le « Roi de Wall Street », surnom qui lui avait été donné il y a deux ans lorsqu'il avait touché le montant record de 23,1 millions de dollars. Mike Cavanagh et Matt Zames, deux des principaux lieutenants de M. Dimon, toucheront approximativement la même somme qu'en 2012, soit une petite vingtaine de millions de dollars.
En votant ces rémunérations, le conseil d'administration de la banque risque de renforcer le sentiment que les amendes infligées à la banque n'ont été finalement que des épiphénomènes, dont il convient rapidement de tourner la page. Non seulement la responsabilité des individus n'a jamais été engagée, mais ils sortent récompensés pour avoir limité au maximum les dégâts pour l'entreprise.
DES AMENDES DÉDUCTIBLES FISCALEMENT ?
Les autorités se sont contentées de sanctionner l'entité juridique, dont les résultats ont certes été égratignés, mais les interrogations demeurent sur l'effet dissuasif de ces amendes pour une entreprise qui avait largement les moyens d'y faire face.
Pire, comme le souligne Simon Johnson, professeur de management au Massachusetts Institute of Technology, dans Le Monde du 25 janvier, la directrice financière de JPMorgan, Marianne Lake, a laissé entendre que sur la totalité des amendes, 7 milliards de dollars seraient probablement déductibles fiscalement, en tant que « dépense attachée au fonctionnement nécessaire et habituel de l'entreprise ». Un avantage qui se monterait à plus de 2,2 milliards de dollars.
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Source(s): Le Monde / Par Stéphane Lauer, le 24.01.2014 / Relayé par Meta TV )