Selon Tunis, de plus en plus de jeunes Tunisiennes partent en Syrie pour un Jihad du sexe, une guerre sainte du sexe : elles ont des relations sexuelles avec les jihadistes anti Bachar el Assad, puis reviennent au pays enceintes. Info ou intox ? Polémique, en tout cas. Et réaction décodage d’une islamologue vivant en Belgique.
Par Ben-Aissa Ikram, islamologue
Je me souviens il y a de cela plusieurs années, jeune étudiante à l’université au sein de la filière orientalisme, je m’étais décidée, pour un des cours liés au monde musulman, à rédiger mon travail d’évaluation sur le mariage temporaire. A l’époque, je me souciais de trouver dans chaque source religieuse les preuves que ce type de mariage avait bien existé et qu’il était légitime puisque cela s’intégrait dans la lignée de ce que l’on appelle « la sunnah du Prophète ». (1)
Je me rappelle encore ces regards outrés, pleins de jugements, qui pensaient que j’étais à la recherche d’une issue charnelle qui me conviendrait fortement. Me faisant passer pour une fille bien facile, qui ouvrirait ses jambes au premier venu avec la bénédiction de Dieu. J’aimais choquer, je me sentais révolutionnaire voir même une messagère des temps modernes. Les années sont passées, et à vrai dire, avec des hommes je n’ai jamais couché.
Revenons-en au sujet de cet article, le jihad du sexe. Quelle ne fut pas ma surprise de lire que les autorités tunisiennes dénonçaient officiellement le départ de leurs citoyennes vers la Syrie afin d’assouvir les pulsions des mâles, rebelles, qui s’en allèrent en guerre contre on ne sait plus trop qui. Ces femmes se sont donc offertes à ces hommes et sont par la suite revenues dans leur pays, portant l’enfant de ces derniers. Les rebelles qui appartiennent à la branche sunnite et plus particulièrement frèristes et salafistes de l’islam politique, sont les premiers à montrer du doigt le mariage temporaire comme une dérive sectaire d’un courant – selon eux – hérétique de l’islam, le chiisme. Ces derniers se retrouvent, à réaliser la même pratique mais avec des précautions moins importantes que leurs voisins chiites. En effet, par exemple, si le chiite contracte ce mariage devant un imam, avec un contrat à l’appui, le sunnite n’exige aucunement une bénédiction écrite, le mariage contracté se suffit par voix orale, privant la femme de toute garantie. (2) Ainsi, si les femmes venues de Tunisie, ont pour quelques-unes, leur époux là-bas, pour les autres, la question de la paternité et de la responsabilité de ces enfants à venir sans parler de leur réputation, risquent d’appartenir à un avenir amer.
La vérité c’est qu’un homme reste un homme, qu’il soit sunnite ou chiite. Le reconnaître serait une étape décisive pour les générations à venir. Que les femmes ne se sentent pas moins à l’abri, puisqu’elles restent dans les deux cas de figure l’instrument par lequel l’homme assouvit ses pulsions sexuelles, la limitant ainsi à un pur objet de désir, avec pour le mariage temporaire, certaines garanties, qui à long terme restent fort peu prestigieuses au regard des siens et de l’éternel modèle de la femme vierge. Femme objet disais-je donc. Mais finalement, les femmes que l’on souhaite protéger tout le temps semblent avoir consenti à cela et, aux dernières nouvelles, ne sont pas démunies de désirs. Ainsi, il nous faut s’en retourner aux dirigeants et savants musulmans qui face à ce jihad du sexe, dérive du mariage dit du « voyageur » ou encore « secret », préfèrent laisser ce genre de pratique dans l’ombre, au lieu de trouver des moyens légaux afin que chacun et chacune tienne compte de leurs devoirs lorsqu’ils décident de faire ce type de mariage.
Il est vrai que j’ai toujours soutenu des variantes peu orthodoxes, car il est une vérité que personne ne pourra renier à partir d’aujourd’hui : tout le monde ne vit pas la même histoire, ni ne grandit dans les mêmes conditions et ni dans le même environnement. Du coup, face à ces contextes et ces histoires variés, il faut savoir donner une réponse particulière et donc variante, avec un maximum de garantie et de bon sens. Pour le mariage, c’est fait. Dorénavant, nul courant religieux ne pourra montrer l’autre du doigt, puisque la vérité a éclaté au grand jour : dans des cas particuliers, des pratiques particulières.
Il va sans dire, que la question du mariage traditionnel pose question. Pourquoi devrions-nous nous unir pour la vie, alors qu’il serait plus facile de s’improviser sur d’autres chemins moins lourds en responsabilités ? Pourquoi se lancer vers une union qui a montré à plusieurs reprises ses faiblesses et ses défaites alors qu’une alternative plus raisonnable est possible ? Certains ne s’aventureront jamais vers ce qui reste une alternative peu acceptée dans les us et coutumes, et s’engageront dès que possible vers le mariage traditionnel. D’autres, avec le temps se diront qu’il faut bien un jour se caser pour ne pas terminer seul et triste. A croire qu’il ne reste plus que les homosexuels, qui recherchent à se marier pour la vie… Puisqu’il est devenu difficile de se positionner devant tant de diversités, puisque l’amour peut ne devenir qu’une forme physique sans signification autre que sexuelle, il serait temps de retravailler le sens même du mariage. Mais cela exige un travail sur soi, faire face à des facilités permanentes, patienter dans les difficultés à rencontrer l’autre exceptionnel qui nous conviendrait, et oser comme un vrai homme et une vraie femme s’aventurer pour le meilleur et… pour le pire !
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Source(s): levif.be / Par Ben-Aissa Ikram le 01-10-2013 / -Meta TV)