L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a annoncé Lundi 1er Février qu’elle allait convoquer un comité d’urgence sous le Règlement Sanitaire International (RSI) pour prendre des mesures contre la violente propagation de Zika sur le continent américain. D’après certaines informations, le virus pourrait potentiellement se propager de façon pandémique dans le monde entier. Mais il est vital de comprendre comment s’est déclenchée cette épidémie si on veut la contrôler. L’OMS a observé :
“Qu’une relation de cause à effet entre l’infection virale Zika, les malformations à la naissance et les syndromes neurologiques […] est fortement suspectée ; ce qui a rapidement surclassé les risques liés à Zika de faibles menaces à conséquences alarmantes.”
“L’OMS s’inquiète profondément de cette situation qui évolue rapidement pour 4 raisons majeures :
- La relation possible entre l’infection au virus, des malformations chez le nouveau-né et des syndromes neurologiques
- Une propagation potentielle à l’échelle mondiale, à cause de la présence de moustiques sur une large partie du globe
- L’absence d’immunité chez les populations touchées dans les nouvelles zones de propagation
- L’absence de vaccins, de traitements et de tests diagnostics. […]”
“Les niveaux d’incertitudes et de préoccupation sont élevés”.
Zika semble venir de nulle part. Bien que ce virus n’ait été découvert pour la première fois qu’en 1947, les seuls cas connus sont apparus de façon sporadique en Afrique et en Asie. En 2007, on vit apparaître le premier cas dans le Pacifique. En 2013, on enregistra une poignée de petites épidémies et de cas individuels en Afrique et dans l’ouest du Pacifique. On commence aussi à le voir en Amérique. En Mai 2015, le Brésil déclare son premier cas de Zika et la situation prend une ampleur dramatique.
Le Brésil est actuellement considéré comme l’épicentre de l’épidémie de Zika, ce qui coïncide avec 4000 cas de nouveau-nés ayant développé une microcéphalie depuis le mois d’Octobre.
Lorsqu’on examine une pandémie qui se propage rapidement, il est nécessaire d’établir toutes les causes de son apparition afin de ne passer à côté d’aucun remède, et de prévenir les futures épidémies aussi efficacement que possible. Dans cette optique, on peut noter un autre événement significatif qui s’est déroulé en 2015.
En Juillet 2012, l’entreprise Oxitec a révélé l’existence d’immenses élevages de moustiques génétiquement modifiés au Brésil, dont l’objet était de réduire “les effets de la dengue”, comme le rapporte le Disease Daily. La dengue se transmet par le même moustique tigre qui transmet le virus Zika. Et bien qu’ils ne “peuvent pas voler sur des distances supérieures à 400m, ils peuvent être transportés par inadvertance d’un endroit à un autre par l’homme” d’après l’OMS. En Juillet 2015, peu de temps après le lâché de moustiques génétiquement modifiés dans la région sauvage de Juzaeiro au Brésil, Oxitec a fièrement annoncé qu’ils avaient “maîtrisé le moustique tigre qui transmettait la dengue, le chikungunya et le virus Zika avec succès, réduisant sa population de plus de 90%”.
Bien que cela semble être un succès étonnant au premier abord, il faut considérer une possibilité effrayante : la nature trouve toujours un moyen, et les efforts déployés afin de contrôler la dengue, Zika et d’autres virus semblent avoir allumé un contrefeu de grande ampleur.
La souche OX513A de moustiques OGM d’Oxitec est modifiée génétiquement afin que la plupart de sa descendance meure avant sa maturité. Le Dr. Ricarda Steinbrecher a exprimé son inquiétude dans un rapport datant de Septembre 2010. Un taux de survie de 3 à 4% chez les moustiques OGM justifiait des recherches plus approfondies avant de relâcher ceux-ci dans la nature. Ses préoccupations furent reprises par d’autres scientifiques, mais ces avertissements furent ignorés depuis.
Ces moustiques génétiquement modifiés régulent d’une façon très particulière les moustiques sauvages, vecteurs potentiels de maladie. Seul le moustique tigre mâle génétiquement modifié est relâché dans la nature. Lorsqu’il s’accouple avec des femelles sauvages, les larves engendrées sont sensées mourir. En effet, les larves sont dépendantes à la tétracycline et meurent si elles n’y sont pas exposées pendant leur croissance. Mais il y a un problème. D’après un document déclassifié de la Direction des Echanges et de l’Agriculture (OECD) daté de Février 2015, le Brésil est le troisième plus gros “Consommateur d’antimicrobiens pour la production de nourriture animale”, ce qui signifie que le Brésil est le troisième utilisateur de tétracycline au monde dans la nourriture animal. Comme l’explique une étude de la Société Américaine d’Agronomie, “On estime à 75% la part des antibiotiques qui ne sont pas absorbés par les animaux et rejetés dans les excréments”. L’un des antibiotiques (ou antimicrobien) nommé explicitement dans cette étude pour sa persistance dans l’environnement est justement la tétracycline.
En fait, un document confidentiel d’Oxitec divulgué en 2012 révèle que le taux de survie des larves de moustique pouvait aller jusqu’à 15%, même en faible présence de tétracycline. “Même de faibles quantités de tétracycline peuvent baisser la mortalité”. Ce taux de survie de 15% est mentionné par Oxitec :
“Après une multitude de tests et d’expériences comparées, [les chercheurs] ont trouvé que de la nourriture pour chat utilisée pour nourrir la larve [OX513A] et contenant du poulet avait un impact. On sait que la tétracycline est utilisée couramment dans l’alimentation des poulets pour la prévention des maladies infectieuse, en particulier dans l’élevage de masse. Le poulet subit un traitement thermique avant son utilisation dans la nourriture, mais cela n’enlève pas la totalité de la tétracycline. Cela signifie que même une faible dose de tétracycline peut faire échouer l’expérience et donc ce système d’éradication des moustiques”.
Même en cas d’absence de tétracycline, une “sous-population” de moustiques tigres génétiquement modifiés pourrait en théorie se développer et prospérer, comme l’explique Steinbrecher. “[Les moustiques] sont capables de survivre et de se reproduire malgré [l’absence de moustiques génétiquement modifiés qui ont encore leur gène résistant à la tétracycline]. […] L’efficacité de cette méthode d’éradication dépend aussi du moment où la larve meurt. Si ce moment est repoussé à cause des facteurs environnementaux, alors un taux de survie de 3-4% représente un plus gros problème…”
Dans un communiqué de presse, l’OMS a déclaré que “on s’attend à un accroissement majeur de la population des moustiques dans plusieurs zones à cause des conditions climatiques favorables associées à l’ampleur du phénomène El Niño cette année”.
En conséquence, le Président Obama a appelé à un grand effort de recherche afin de développer un vaccin contre le virus Zika parce qu’il n’en existe pas encore à l’heure actuelle. Le Brésil a déployé 200.000 soldats pour aider à combattre la propagation du virus. Des moustiques tigres ont été observés en Grande Bretagne. Mais la suggestion la plus ironique est sans doute celle proposée le 19 Janvier par le MIT Technology Review :
“La propagation de Zika en Amérique pourrait donner à certains pays dont les États-Unis de nouvelles raisons d’éradiquer les moustiques grâce au génie génétique.”
“Hier, la ville brésilienne de Piracicaba a déclaré vouloir étendre l’utilisation de moustiques génétiquement modifiés…”
“Les moustiques OGM ont été créés par l’entreprise britannique Oxitec, qui a été rachetée récemment par Intreson, une entreprise de biologie synthétique basée dans le Maryland. La société déclare avoir relâché des insectes au Brésil et aux Îles Cayman afin d’éradiquer la dengue”.
Sources : mondialisation.ca 28 janvier 2016
Voir aussi : Du virus Zika à la Fondation Rockefeller
Le laboratoire Oxitec a bien introduit, depuis 2011 au Brésil, des moustiques mâles de type Aedes Aegypti -vecteurs notamment de la dengue, mais aussi du virus Zika– génétiquement modifiés. Le gène dont ils étaient porteurs provoquait la mort de leur progéniture avant d’atteindre l’âge adulte. L’intérêt? Lâchés en nombre conséquent -suffisamment pour supplanter les mâles “normaux” dans le processus d’accouplement- ils ont permis de faire baisser la population des moustiques de plus de 90%, selon une étude publiée en 2015.
Deux cartes côte à côte: l’une censée montrer le site où les expériences d’Oxitec ont eu lieu, près de la ville de Juazeiro, l’autre montrant l’épicentre de l’épidémie Zika.
Sauf que l’indication géographique est erronée. Il existe en fait deux villes baptisées Juazeiro au Brésil. Celle où a eu lieu le “lâché de moustique” d’Oxitec se situe à plus de 300 km de celle indiquée par la carte, explique une journaliste dans Discover Magazine.
De plus, les épidémiologistes sont “quasiment certains” que l’épidémie s’est déclenchée à Recif, une ville qui se trouve sur les côtes, à plus de 640 kilomètres du site Oxitec le plus proche, ajoute-t-elle. D’ailleurs, presque tous les premiers cas de Zika ont été détectés sur les côtes, qui sont d’ailleurs les zones les plus touchées… Or les deux villes de Juazeiro se trouvent situées à l’intérieur des terres.
La journaliste cite un professeur de l’université Notre Dame aux États-Unis qui estime de son côté qu’il est “fort probable que les moustiques génétiquement modifiés soient un des outils les plus importants pour combattre le virus Zika”.
Le virus Zika n’est pas né au Brésil, en 2011. Sa toute première apparition remonte à… 1947, en Afrique. Il a ensuite été identifié une nouvelle fois dans les années 1970-80 en Asie du Sud-Est, avant de réapparaître en 2007 en Micronésie et en 2013 en Polynésie Française. Il a touché le Brésil en 2014, et non pas en 2011 précisent le Guardian et le New York Times. Quant à savoir comment Zika s’est retrouvé en Amérique du Sud, les scientifiques n’ont pas encore déterminé la raison exacte. Ils avancent néanmoins une théorie : la transmission par des voyageurs -probablement pendant la Coupe du monde de football.
Ping : Du virus Zika à la Fondation Rockefeller - Meta TV