C’est la plus vaste investigation internationale jamais menée sur la viande de cheval en provenance des Amériques vendue dans les supermarchés français. Pendant 2 ans, les enquêteurs de L214 ont suivi le calvaire des chevaux à travers les États-Unis, le Canada, le Mexique, l’Uruguay et l’Argentine, pour le “bonheur” des consommateurs français…
D’après les statistiques de 2012, la France a importé 16 900 tonnes de viande de cheval, pour une valeur de plus de 66 millions d’euros. Les principaux fournisseurs de la France sont le Canada (4 100 t), la Belgique (2 091 t), l’Argentine (1 742 t), le Mexique (1 776 t) et l’Uruguay (1 730 t). A noter que la viande de cheval venant de Belgique est elle aussi souvent issue de l’importation venant des pays tiers, en grande partie des Amériques. Pour comparaison, la production totale de viande chevaline française s’élève quant à elle à 7080 tonnes. Les français ont consommé en 2011 environ 290 grammes de viande de cheval par habitant et par an. Cette consommation a baissé de 42% en 10 ans.
Le constat est terrible : des chevaux émaciés, malades ou blessés s’échangent au prix de 9 $ sur les marchés aux enchères américains. Des bétaillères bondées, parcourent des milliers de kilomètres au cours desquels les chevaux n’auront ni eau, ni nourriture. Des centres de rassemblement regroupent des milliers de chevaux exposés à la neige et au grand froid au nord tandis qu’au sud, le soleil est impitoyable pour ces chevaux laissés sans abri. Les enquêteurs de L214 ont filmé de nombreux chevaux avec des plaies ouvertes, des yeux crevés, des membres déboités ou cassés, laissés sans soin ; d’autres morts, en décomposition, dans les feedlots.
Enquête internationale sur les chevaux au Far West
Lasagnes à la viande de cheval, chevaux volés, chevaux issus de l’industrie pharmaceutique ou de centres équestres : plusieurs scandales ont fait la une des journaux l’an dernier sur la viande chevaline made in France. Or, en France, au moins 60% de la viande chevaline importée provient du continent américain, soit plus de 9 000 tonnes. L214 s’est associée à Tierschutzbund Zürich (TSB/AWF), Animals Angels’ USA, GAIA, Eyes on Animals pour mener une vaste enquête en 2012 et 2013 aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Uruguay et en Argentine, principaux pays fournisseurs de viande de cheval des supermarchés français. Cette équipe internationale a mené ses investigations sur les marchés aux enchères, dans les stations de collecte, dans les enclos d’exportation, aux frontières, aux points de contrôles vétérinaires, dans les feedlots et les abattoirs.
Le marché est dominé par quelques compagnies d’importation. Leurs déclarations, relayées par les supermarchés, concernant le bien-être des animaux et la protection des consommateurs marquent un saisissant contraste avec la réalité : les chevaux vivraient en liberté et recevraient des soins appropriés. De plus la traçabilité serait garantie depuis la ferme d’origine, les conditions de transport seraient correctes, inférieures à 12h et l’abattage sans souffrance. Les preuves accumulées par les enquêteurs révèlent une toute autre réalité.
Du nord au sud, triste destin pour les chevaux
Les chevaux en route pour les abattoirs sont des chevaux indésirables, devenus inutiles ou encombrants. Ces chevaux émaciés, malades ou blessés peuvent s’échanger au prix de 9 $ sur les marchés aux enchères américains. Nous les avons vus malmenés, frappés à coups de bâtons ou de cordes, d’aiguillons électriques (interdits dans l’UE) et mordus par des chiens. Nous les avons filmés à terre dans les bétaillères, morts ou agonisants, piétinés par les autres. Nous les avons suivis pendant des dizaines d’heures par tous les temps, alors qu’ils étaient privés d’eau et de nourriture. Nous avons constaté les heures où ils sont restés exposés en plein soleil, sans eau ni nourriture, lors d’un passage de frontière par des températures de plus de 40°C, la bétaillère scellée empêchant le chauffeur de venir en aide à des chevaux tombés à terre. Nous les avons observés dans la neige, par grand froid, au milieu d’un feedlot sans endroit où s’abriter. Nous avons croisés des chevaux obèses au Canada, gavés de céréales, et d’autres émaciés, avec juste la peau sur les os. Nous avons vu des fractures ouvertes des pattes, des plaies infectées, des juments mortes en cours de mise bas en plein milieu de feedlots. Nous avons vu ces chevaux agonisants abandonnés à même le sol des abattoirs pendant que les autres paniquaient poussés vers le box d’abattage par des ouvriers brutaux. Nous les avons vu, le crâne percuté par un matador s’écrouler et mourir, après un éprouvant périple.
Des chevaux non destinés à la consommation humaine
Dans la plupart de ces pays, les chevaux ne sont pas mangés, ne sont pas considérés comme de la nourriture potentielle. En Argentine, une loi en interdit même la commercialisation. Les propriétaires ne sont donc pas alertés sur le fait que les animaux dont ils ont la charge finiront dans des assiettes et il n’y a pas de législation qui impose un carnet de suivi. Les traitements médicamenteux sont adaptés aux pathologies du cheval : il n’est pas rare que ces traitements, souvent en vente libre et disponibles sans prescription, soient interdits en Europe pour les chevaux destinés à la boucherie : c’est le cas pour la phénylbutazone. L’utilisation de phénylbutazone (anti-inflammatoire non stéroïdien) ou d’autres substances dangereuses interdites dans l’UE est courante. Dans plusieurs de ces pays, la phénylbutazone est en vente libre, les contrôles vétérinaires sporadiques, les registres inexistants ou non fiables. Plusieurs chevaux ayant reçu de la phénylbutazone ont été tracés jusque dans les abattoirs canadiens.
Ces chevaux, qui finissent néanmoins à l’abattoir, sont des animaux en fin de carrière (sport, travail ou loisirs), vieux, malades ou blessés, considérés comme désormais inutiles ou encombrants. La traçabilité repose sur des déclarations, considérées comme non fiables par l’Office Alimentaire et Vétérinaire européen (OAV). Les chevaux nés en France ont un document d’identification qui les suit tout au long de leur vie. Ce document permet de savoir si le cheval peut être abattu pour la consommation humaine.
Des réglementations et des pratiques différentes
Les standards en vigueur dans l’UE, notamment pendant le transport, ne sont pas exigés dans les pays tiers. Si, pour exporter, un abattoir doit être agréé et appliquer la réglementation européenne, il n’est rien exigé concernant le transport. En Europe, le transport des animaux est encadré par le règlement 1/2005. Les législations dans les pays tiers sont très différentes. Ainsi, les chevaux peuvent légalement être transportés jusqu’à 36 h d’affilée en Argentine, en Uruguay et au Canada (contre 24 h en Europe), dans des bétaillères sans ventilation, sans séparation voire sans toit. Il n’est alors pas rare de trouver des chevaux piétinés par les autres, des chevaux déshydratés et épuisés par ces transports très longs et éprouvants. Nous en avons rencontrés beaucoup au cours de notre enquête.
L’enquête en vidéo
Attention, certaines scènes peuvent heurter les personnes sensibles
« Nous demandons aux grandes surfaces de cesser de commercialiser de la viande de chevaux en provenance des Amériques. L’importation de viande de cheval contribue à maintenir le système en place et à faire subir aux animaux des traitements cruels, d’ailleurs illégaux en Europe. » déclare Brigitte Gothière, porte-parole de L214. D’après les importateurs et les supermarchés, les chevaux sont sélectionnés soigneusement et leur origine traçable, le bien-être animal respecté et les temps de transport de 12h maximum…
Source : Viande de cheval rime avec scandale – Enquête au Far West – L214
Auteur : L214
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Source(s) : Notre-Planète.Info, le 27.03.2014