Par Sense Making
Qûenida de Rezende Menezes est l’une des rares spécialistes du droit forestier. Dans le cadre de ses recherches, elle s’intéresse tout particulièrement aux problématiques juridiques revêtant une dimension transnationale. Elle aborde d’ailleurs ce sujet dans son dernier ouvrage intitulé Le Droit international peut-il sauver les dernières forêts de la planète ? Sous la plume de son auteur, la forêt devient un révélateur des carences institutionnelles en matière de protection de l’environnement. Quênida de Rezende Menezes explique pourquoi au cours de cet entretien.
Ce type de traité favorise, un peu partout dans le monde, la diffusion de politiques d’inspiration néolibérales, dont l’impact social et environnemental soulève beaucoup de questions. Ces politiques entretiennent ainsi un rapport de force favorable aux pays les plus riches, ce qui n’est paradoxalement pas conforme à l’objectif déclaré de développement durable porté par la communauté internationale.
La Banque Mondiale est un bon exemple de cette ambigüité. Sa stratégie environnementale se fonde sur les principes du développement durable. Elle finance à cet égard le programme pour l’environnement dans la Méditerranée, des projets comme la PNUE ou le PNUD. Mais à titre d’exemple, cette institution a également subventionné la construction, par la société sud-africaine Eskom, de la gigantesque centrale à charbon de Medup, malgré une forte opposition. Cet exemple illustre la dissymétrie des discours et des actes et suggère des jeux d’intérêts dissimulés évidemment préjudiciables au patrimoine forestier, et plus largement pour la cause environnementale.
Le processus de mondialisation a vu une évolution significative de l’influence des organisations non gouvernementales en matière d’environnement. Ces organisations parviennent aujourd’hui à peser significativement dans la balance ; souvent plus que les Organisations Internationale.
Le cas de l’entreprise Produits Forestiers Résolu au Canada est par exemple très instructif. Après des années de bataille législative, la plus grande entreprise forestière au Canada a été frappée d’une suspension trois de ses certifications environnementales par la FSC (leForest Stewardship Council ; NDLR) l’année dernière. Cette suspension fait suite à une plainte internationale déposée par le Grand Conseil des Cris (les Cris sont une nation indienne native d’Amérique du Nord ; NDLR), ainsi que de multiples critiques émises par, notamment, les groupes environnementaux. Cette action a par exemple permis de montrer avec succès que l’entreprise avait négligé de nombreux principes essentiels du FSC, dont le respect des droits des Premières Nations, la protection des vieilles forêts et celle du caribou forestier.
Autre exemple de la force des organisations non gouvernementales : le cas de la Déclaration universelle dite « des droits de la Terre-Mère ». C’est sous l’impulsion des communautés locales andines que la Bolivie s’est dotée d’une telle déclaration. Le texte a été signé en décembre 2010 par le président Evo Morales afin d’accorder différents droits au patrimoine naturel. Cette initiative se veut être un précédent législatif équivalent au droit de l’Homme, et c’est effectivement une belle réussite en matière de protection environnementale.
Le cas de l’Amazonie illustre ce tiraillement considérations environnementales et économiques. Par exemple, lorsque la Banque Mondiale a financé l’extraction de minerai de fer au Carajas, partie orientale de l’Amazonie brésilienne, l’institution a de fait financé le déboisement par écobuage de la forêt vierge des alentours, qui a ainsi été décimée pour produire du charbon de bois.
La reconnaissance de ces niches écologiques peut avoir un impact positif, car elle sanctifie des espaces précieux pour la biodiversité. On peut les considérer comme une manière de répartir le travail de préservation entre les membres de la communauté internationale. La création de zones protégées est le point de départ à toute initiative d’évaluation systématique des stocks de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables et de résolution des problèmes détectés. Mais pour être vraiment efficaces, il est nécessaire de leur octroyer de vrais moyens ; elles ne doivent pas être des coquilles vides sous-administrées comme c’est encore souvent le cas.
La globalisation économique, via les pressions du marché mondial, induit par exemple une forme particulièrement intensive et peu durable d’exploitation de la forêt. Pour beaucoup de communautés locales, la forêt représente aussi une source primaire de revenu, un savoir, une expérience; ces communautés sont peut-être la clé d’une gestion forestière plus durable.
Derrière l’idée d’une forêt qui serait un bien public, l’enjeu est de redéfinir un équilibre entre valorisation des ressources forestière, et reconnaissance d’un véritable pouvoir aux communautés locales sur ces ressources. De tels compromis politiques se trouvent au cas par cas, pays par pays, et nécessitent donc la concertation des États. L’articulation entre régimes internationaux, politiques nationales et comportements locaux est au cœur de la définition d’une gouvernance réaliste de la biodiversité.
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Source : Sense Making