La Libye s’embourbe dans le chaos

Ali Zeidan n’aura pas attendu longtemps avant de fuir la Libye. L’ex-Premier ministre, destitué mardi par le Congrès général national, la plus haute instance politique du pays, s’est envolé quelques heures plus tard pour l’île de Malte. Il est reparti deux heures plus tard pour l’Allemagne, selon l’AFP, évitant l’interdiction de voyager émise à son encontre par le procureur général libyen.

Ali Zeidan s’est enfui alors que les tensions entre ex-brigades rebelles et séparatistes menacent de dégénérer en guerre civile. Cette nouvelle crise a été provoquée par le blocage de plusieurs ports pétroliers depuis juillet par des groupes fédéralistes de Cyrénaïque (est).

Alors que les pertes s’élèvent à 10 milliards de dollars pour l’État libyen, qui se finance à 90% avec ses revenus pétroliers, le conflit a pris une tournure inédite samedi lorsqu’un navire nord-coréen a pénétré dans les eaux libyennes pour s’approvisionner directement auprès des fédéralistes. Il est ensuite reparti, suivi par une vingtaine de bateaux de la Marine nationale et d’ex-brigades rebelles de la ville portuaire de Misrata envoyés par Tripoli pour l’arraisonner. «Nous l’avons touché mais il a réussi à entrer dans les eaux internationales», explique un responsable politique de Misrata qui précise que l’US Navy les a épaulés.

MENACE DE PARTITION

Ce camouflet a poussé le Parlement à annoncer la formation d’une «force armée pour libérer et lever le blocage sur les ports pétroliers». Le Bouclier de Libye, une milice islamiste composée essentiellement d’anciens rebelles de Misrata, s’est donc lancée vers Syrte, à l’est, forçant mardi soir les fédéralistes de Cyrénaïque à reculer. Des chefs de tribu de la région ont réagi en prévenant qu’une attaque contre la Cyrénaïque provoquerait la partition du pays.

A Tripoli, les islamistes, qui se sont alliés pour obtenir le nombre de voix nécessaires au limogeage de Zeidan, se sont également attaqués aux ex-rebelles de Zentan, une ville de l’ouest, qui contrôlent toujours l’aéroport de la capitale et la route qui y mène. Le Conseil local et militaire de Tripoli a réclamé hier leur départ de ces positions, au risque de provoquer de nouveaux affrontements entre milices.

Qui, dans ce chaos, pourra remplacer Zeidan  ? «Nous ne présenterons pas de candidat. Le pays a besoin d’une personne indépendante», assure Mohamed el-Harezi, conseiller politique du parti Justice et Construction, proche des Frères musulmans. Parmi eux, Juma Ifhima paraît bien placé. Originaire de l’est et détenteur d’un doctorat en économie agricole, son profil de technicien plaît à Juma Zubia, responsable du Haut comité des révolutionnaires, qui regroupe des anciens combattants, et ne déplaît pas à Mohamed al-Harezi.

Autre possibilité, Abdoullah al-Thinni, ministre de la Défense et chef de l’exécutif par intérim, qui peut compter sur le soutien de plusieurs élus pour son rôle de négociateur lors des conflits tribaux dans le sud en décembre et pour avoir refusé de démissionner malgré l’enlèvement pendant plusieurs mois de son fils.

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Source(s) : Libération / Par LUC MATHIEU ET MATHIEU GALTIER, le 12.03.2014

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