Des affrontements entre l’armée et le groupe djihadiste Ansar al-charia ont fait sept morts et une cinquantaine de blessés lundi 25 novembre à Benghazi.
Le 15 novembre, 47 personnes avaient trouvé la mort à Tripoli après qu’une milice eut tiré sur des manifestants.
Décryptage de Luis Martinez, politologue, auteur de l’étude « Libye : une transition à l’épreuve du legs de la Jamahiriyya » (Sciences-Po-Ceri, CNRS, juillet 2013.)
« La Libye est au bord du chaos depuis trois ans. Pour ne pas rééditer un scénario irakien, le choix a été fait par la Libye et les acteurs internationaux de laisser les acteurs armés gérer la transition libyenne après la chute du colonel Kadhafi. Mais après l’euphorie des premiers temps et la tenue des élections en juillet 2012, les nouvelles autorités ont découvert qu’elles n’avaient pas les moyens d’agir. Les groupes armés s’étaient entre-temps considérablement renforcés sur le terrain.
On parle de milices, mais il s’agit plus de bataillons totalisant entre 100 000 et 150 000 hommes. Nombre d’entre eux sont des combattants de la 25e heure qui ont peu ou pas participé à la guerre contre l’ancien régime. Ces bataillons ont investi les casernes et disposent d’hélicoptères et de véritables arsenaux militaires.
Les autorités libyennes ont d’abord considéré qu’il revenait à ces milices d’assurer la sécurité du pays. Elles ont été enregistrées au sein des ministères de l’intérieur et de la défense, et sont payées par l’État. En d’autres termes, l’État les a achetées.
LE DÉSARMEMEMENT DES MILICES INENVISAGEABLE
Sauf que ces milices sont le bras armé de forces politiques : responsables locaux, partisans islamistes ou révolutionnaires, etc. Elles s’arrogent des privilèges, se rémunèrent – à la manière d’un racket – sur la sécurité des sites pétroliers dont la production a considérablement chuté et bloquent la construction d’une armée et d’une police libyennes. Le parlement cède à leurs exigences. Ainsi tout blessé de la révolution perçoit, à vie, une indemnité mensuelle de 2 000 €.
Ces groupes armés ne veulent pas de la démocratie ni d’un État de droit. Ils ont combattu Kadhafi pour récupérer les places de l’ancien régime. De leur côté, les forces politiques ne souhaitaient guère plus voir émerger une armée et une police. Elles acceptent aujourd’hui cette idée à reculons, avec le concours de l’Otan.
Le désarmement des milices reste toutefois inenvisageable. Il mettrait la Libye au-devant d’une guerre. Les autorités doivent trouver la manière de les domestiquer sans les combattre. D’où le retrait actuel des milices de Tripoli. Avec l’espoir qu’à plus long terme, une partie des miliciens intégrera les forces de sécurité, et que la plupart rendront les armes contre de très gros chèques. »
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Source: La Croix (recueilli par Marie Verdier) / Relayé par Meta TV