La Cour des comptes épingle Pôle emploi sur la gestion de ses sous-traitants privés

Alors que le chômage a fortement augmenté, l'organisme public n'a pas pris les mesures nécessaires pour tirer pleinement parti de l'appui des opérateurs privés de placement.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pôle emploi reclasse mieux les chômeurs que les organismes de placement privés auxquels il fait appel pour l'aider dans sa tâche. Le fait est connu depuis longtemps. Pour autant, Pôle emploi ne peut se passer de cette soupape indispensable, même s'il a réduit son recours aux cabinets privés depuis 2011 – pour des raisons budgétaires – alors même que le nombre de chômeurs ne cessait d'augmenter.

Jugeant qu'il y a «des faiblesses et des dysfonctionnements importants» dans le dispositif «insuffisamment piloté», la Cour des comptes épingle l'organisme sur la gestion de ses sous-traitants privés dans un rapport rendu public mardi, et lui recommande de mieux les intégrer à l'avenir dans une «stratégie globale» d'accompagnement des chômeurs.

En effet, pourquoi les opérateurs privés de placement (OPP) reclassent-ils moins bien les chômeurs? Ils sont pourtant rémunérés en fonction des résultats obtenus et devraient donc être incités à réussir. L'institution présidée par Didier Migaud apporte trois réponses.

Primo, Pôle emploi recourt souvent aux cabinets privés les moins chers et non pas à ceux qui sont les mieux adaptés. «Sur un appel d'offres, nous avions partout la meilleure note technique, mais nous avons été recalés sur les prix. À 45 euros de l'heure, vous ne pouvez pas faire réussir quelqu'un!», confirme au Figarol'un de ces prestataires, qui va pourtant bientôt retenter sa chance.

La Cour le reconnaît: «La sélection des attributaires s'est faite en grande partie sur des prix (…) qui n'ont pas permis de délivrer des prestations de qualité.» Les sages de la Rue Cambon recommandent donc à Pôle emploi de «prendre davantage en compte l'offre technique dans les critères de sélection» des opérateurs et de «rejeter, sur des critères objectifs, les offres tarifaires anormalement basses».

Secundo, Pôle emploi envoyait jusqu'à présent les cas les plus difficiles aux OPP. Un virage à 180 degrés a été pris en février, le conseil d'administration ayant décidé qu'à partir de 2015 ces cas recevront un accompagnement renforcé en interne, tandis qu'à l'inverse les cabinets privés géreront les demandeurs d'emploi les plus autonomes.

Fort risque de défaillance

Toutefois, «il reste à déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre de ce changement», notent les magistrats financiers, qui insistent sur la nécessité pour Pôle emploi de réussir «la conduite du changement vis-à-vis des conseillers comme des demandeurs d'emploi, souvent réticents à l'égard de la sous-traitance».

Tertio, la faiblesse et l'irrégularité des flux de chômeurs envoyés par les conseillers de Pôle emploi vers les opérateurs privés ont contribué à mettre en péril leur équilibre économique et parfois leur existence. Ainsi, sur les 23 prestataires les plus importants de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, 12 présentaient fin 2013 un risque élevé, voire très élevé, de défaillance.

Alors que Pôle emploi a consacré aux sous-traitants 145 millions en 2013 (contre 186 millions en 2012), soit 2,9 % de ses dépenses de fonctionnement et d'intervention, la Cour des comptes recommande de mieux les intégrer au dispositif.

Sans aller aussi loin que l'Australie, première expérience d'externalisation complète, plusieurs pays européens, notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont mis en œuvre des réformes importantes pour faire une large place aux opérateurs privés dans l'accompagnement des chômeurs. Si les exemples étrangers ne permettent pas de dégager un modèle universellement performant, ils montrent l'importance d'une évaluation systématique pour toute prestation sous-traitée. Une piste à prendre en compte.

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Source : Le Figaro / Par Marie-Cécile Renault, le 08.07.2014 / Relayé par Meta TV(meta.tv)

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