BNP Paribas Fortis, Deutsche Bank, ING, KBC, Belfius ou AXA: toutes ces banques ont, de par les fonds qu’elles gèrent, une part de responsabilité dans le phénomène mondial d’accaparement de terres au profit d’entreprises de production d’huile de palme et au détriment de l’écologie et du bien-être de la population locale. Ce constat est issu d’un rapport présenté mardi par les associations CNCD-11.11.11, SOS Faim, Oxfam-Solidarité, FAIRFIN et le Réseau Financement Alternatif (RFA), à la suite d’une étude sur les “responsabilités des grandes banques actives en Belgique dans le financement des entreprises connues et reconnues pour leurs pratiques d’accaparement de terres”.
L’accaparement de terres, par lequel des acteurs puissants (entreprises ou autres) forcent l’acquisition ou obtiennent légalement le contrôle de grandes surfaces de terres agricoles dans les pays du Sud pour y mener une agriculture intensive et destinée à l’exportation, est un phénomène en pleine expansion. “Rien qu’entre 2000 et 2010, la superficie mondiale des terres concernées avoisinerait 203 millions d’hectares (65 fois la Belgique)”, note le rapport.
Un des exemples frappants, présenté par un membre local de l’ONG Friends of the Earth à l’occasion de la sortie du rapport, est celui de l’Indonésie. D’importantes entreprises de production d’huile de palme, comme Bumitama Agri Ltd., y étendent leurs plantations souvent illégalement, s’appropriant des terres et détruisant les forêts, selon les propos d’Anton Widjaya (FOE Indonesia). Les conséquences vont de la destruction de l’habitat d’orangs-outans menacés à l’émission massive de gaz à effets de serre par l’installation de plantations sur des tourbières. Le droit des paysans à l’alimentation et leur accès à la terre sont également menacés.
Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, et l’étude menée par le Réseau Financement Alternatif montre que les institutions bancaires occidentales ont indirectement une part de responsabilité dans cette problématique. Basée sur l’examen de 10 banques actives en Belgique et 10 entreprises d’huile de palme controversées pour leurs pratiques, l’étude indique que les directions des banques se sont montrées ouvertes au dialogue et attentives, mais que six d’entre elles gèrent toutefois des fonds qui investissent entre autres dans les entreprises contestées. D’autres, comme ABN Amro et Rabobank, financent ces sociétés par des prêts. Tous ces acteurs financiers commercialisent aussi des fonds gérés par d’autres institutions, ce qui rend difficile de pointer les responsabilités exactes de chacun.
Virginie Pissoort, de l’asbl SOS Faim, a rencontré des responsables de toutes les banques citées dans le rapport. “Toutes ont accepté de discuter”, note-t-elle. “Il en ressort qu’elles se sentent parfois impuissantes. Les ‘soft laws’ mises en place se montrent inefficaces, les producteurs d’huile de palme les plus critiqués étant également les premiers à adhérer aux chartes et labels… Les banques nous disent ‘mais comment savoir quelles entreprises bannir? Jusqu’où sont-elles coupables? ‘”, précise Virginie Pissoort. “Il n’y a pas de refus de régulation du côté des banques. La balle est dans le camp des politiques”, résume Stéphane Desgain, du CNCD.
Le groupement d’associations conclut le rapport sur une série de recommandations. On peut y lire que la Belgique devrait avant tout s’inspirer.. d’elle-même. En 2006, elle a été la première à légiférer pour interdire “le financement d’entreprises de production, utilisant ou possédant des mines anti-personnelle ou des armes à sous-munitions”. Une mesure similaire pourrait être prise pour freiner le financement des accaparements, note le CNCD. Un des points-clé à développer en ce sens est la transparence et la simplification des différents outils de financement, selon les associations concernées.
Plus globalement, le mode de vie européen est pointé du doigt. Le pouvoir d’achat inégalé, le gaspillage alimentaire et la surconsommation de carburants auraient des effets pervers bien au-delà du continent. “Avec les politiques européennes de soutien aux agrocarburants, nous produisons aujourd’hui de grandes quantités de colza dans l’UE, destinées aux moteurs alors qu’auparavant nous l’utilisions dans l’alimentation. Résultat: nous roulons aujourd’hui avec une huile de colza de qualité, et nous mangeons de l’huile de palme importée”, ironise Stéphane Desgain.
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Source(s): 7sur7 / Belga, le 03.12.2013 / Relayé par Meta TV )