Le conservateur E319, très utilisé dans l’agroalimentaire et les cosmétiques, serait capable de bloquer l’infection des cellules pulmonaires par les virus grippaux.
Elle figure souvent en tout petits caractères sur les étiquettes de nos produits alimentaires. La butylhydroquinone tertiaire ou E319 est un additif fréquemment utilisé dans l’agroalimentaire et les cosmétiques comme conservateur pour les huiles et les graisses. Selon une équipe de l’Université de l’Illinois à Chicago, elle pourrait également devenir le nouveau médicament antiviral contre la grippe aviaire.
Ces chercheurs, qui publient aujourd’hui leurs résultats dans la revue PLOS ONE ont mis en évidence que le conservateur E319 est capable de se fixer à l’une des protéines de l’enveloppe des virus grippaux, l’hémagglutinine. Or cette protéine est indispensable au virus pour infecter les cellules, elle lui sert en quelque sorte de clé pour parvenir à y entrer. Lorsque l’hémagglutinine est bloquée par l’additif alimentaire, le virus ne peut donc plus infecter les cellules de l’organisme. Le mécanisme avait déjà été observé sur des virus grippaux de type H3, les chercheurs de Chicago l’ont, cette fois, mis en évidence avec l’hémagglutinine du virus de la grippe aviaire H7N9, responsable de 45 décès en Asie depuis le mois de février.
Cet additif alimentaire pourrait donc être très utile dans le développement de nouveaux traitements antiviraux, la souche H7N9 ayant déjà développé des résistances contre la plupart des médicaments existants. « Un médicament qui ciblerait cette boucle spécifique de l’hémagglutinine serait totalement nouveau pour les virus de la grippe, donc nous serions encore loin de voir des résistances se développer », explique le biochimiste et généticien moléculaire Michael Caffrey, l’un des auteurs de cette étude.
Un additif antiviral dans l’alimentation des volailles ?
Ces spécialistes cherchent désormais à booster la capacité de prévention de l’infection du E319, en mettant à profit sa première nature d’additif alimentaire. Ils envisagent en effet d’ajouter E319 comme agent antiviral dans l’alimentation animale, notamment pour les volailles qui sont les animaux vecteurs de la grippe H7N9. Mais en tant que conservateur, l’additif n’est présent qu’à toute petite dose, il ne doit pas représenter plus de 0,02% de la masse totale de l’aliment. En revanche, s’il devait être utilisé pour des propriétés anti-virales, de fortes doses pourraient être nécessaires. Or à haute dose, cette molécule augmente le risque de tumeurs de l’estomac, la question de la dose reste donc problématique.
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Source(s): Le Nouvel Observateur / Par Afsané Sabouhi, le 24.10.2013