Faux virements : Les mafias chinoise et israélienne en France seraient directement bénéficiaires de ces transferts.
Des affaires d’un genre similaire se sont multipliées en France depuis 2012. Les conséquences financières et humaines peuvent être dramatiques, selon la justice.
La juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Bordeaux enquête depuis la mi-décembre sur une escroquerie aux virements bancaires ayant atteint en quatre jours la somme de 17 millions d’euros, a annoncé, lundi 20 janvier, le vice-procureur chargé du parquet interrégional. Le nom de la société victime et le mode opératoire exact n’ont pas été dévoilés.
Des opérations pour tenter de remonter la piste des auteurs sont en cours, et une partie des fonds aurait déjà pu être récupérée par la justice, selon le quotidien Sud Ouest. L’affaire avait cependant été évoquée lors d’une audience solennelle de rentrée, vendredi, au tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux, dans le cadre d’un exposé sur ce nouveau type de délit de plus en plus fréquent et sur lequel le parquet souhaite alerter les entreprises.
« ARSÈNE LUPIN DE L’ESCROQUERIE »
Le mode opératoire est souvent le même, a précisé le vice-procureur à la JIRS de Bordeaux : « Des personnes s’approprient toutes les données utiles sur une société, adresses e-mail, capital social. » Elles sont capables de tout savoir « du nom du directeur, de son chien, en passant par son lieu de vacances ». Les malfaiteurs piratent ensuite un courriel et envoient leurs instructions de virement en se faisant passer pour un dirigeant.
Le comptable, souvent invité par l’escroc à agir dans l’urgence et à être discret, n’y voit que du feu et s’exécute. Les auteurs, de véritables « Arsène Lupin de l’escroquerie », selon M. Bellet, font transiter les fonds par différents comptes à l’étranger, souvent jusqu’à Hongkong, et les sommes sont la plupart du temps irrécupérables.
Ce type d’escroquerie, apparu en novembre 2012, aurait déjà entraîné quelque 200 millions d’euros de préjudice en France. La JIRS de Bordeaux enquête en ce moment sur quatre affaires similaires à celle évoquée mardi, dont deux ont donné lieu à des ouvertures d’informations judiciaires. Les JIRS de Rennes, Lyon et Lille ont elles aussi été saisies pour des cas du même type.
DES CONSÉQUENCES DRAMATIQUES
Les sociétés victimes sont « très fragilisées », note encore le magistrat, les trésoreries vidées aboutissant du jour au lendemain à des liquidations judiciaires. Les conséquences sociales et humaines peuvent aussi être dramatiques, M. Bellet évoquant au micro de France Info des cas de licenciements, voire de tentatives suicides.
« Il s’agit de réseaux organisés au niveau international en lien avec la mafia chinoise et israélienne en France, directement bénéficiaires de ces transferts », a précisé le magistrat lors de son exposé sur le sujet au TGI. Ce qu’ils font en quelques jours, nous prenons des mois à le retracer car il faut à chaque fois mettre en œuvre l’entraide pénale internationale. »
Source : Le Monde 21 janvier 2014