Après s’être offusquée des pratiques de la NSA, la France vient d’adopter une loi qui lui permettra de dépasser largement les Américains en matière de surveillance numérique. Dans son éditorial intitulé “Espionnage à la française”, en français dans le texte, The Wall Street Journal ironise.
Les Français, eux, si, ou, du moins, ils sont sur le point de les avoir, dès que Paris se sera doté, l’an prochain, de moyens de surveillance numérique considérablement renforcés. [De nouvelles réglementations ont été définitivement adoptées par le Sénat le 10 décembre.] Une seule chose fait défaut : la levée de boucliers hypocrite qui avait accompagné les révélations, cette année, des pratiques pourtant bien plus modestes de l’Agence de sécurité nationale (NSA) américaine.
Les mesures annoncées en France vont exiger des prestataires d’accès à Internet, des opérateurs télécoms et des fournisseurs de contenu qu’ils transmettent “les communications, les informations ou les documents traités ou conservés par leurs réseaux ou leurs services de communication électroniques” quand les autorités l’exigeront. Cela pourrait concerner aussi bien les métadonnées et le contenu des transmissions des utilisateurs que l’emplacement physique de leurs appareils.
Une surveillance qui va bien au-delà de la sécurité nationale
Les responsables français chargés de la sécurité peuvent d’ores et déjà avoir accès à une grande partie de ces informations sur les utilisateurs de téléphone et d’Internet, mais il leur faut d’abord passer par la justice. Ces nouvelles réglementations prévoiraient un “accès administratif” à la demande de plusieurs services français, accès qui ne serait soumis qu’après coup à une commission de contrôle. Certains services clairement définis pourraient également obtenir les informations directement auprès des opérateurs de réseaux et les récupérer en temps réel.
Ces nouvelles mesures sont rattachées à la prochaine mouture de la loi de programmation militaire. Mais, manifestement, le volet de surveillance numérique va bien au-delà des questions de sécurité nationale, puisque non seulement les responsables de la défense, mais également ceux de l’économie et du budget pourraient avoir accès à ces données. Conformément à ces règles, une demande de surveillance devrait être “conçue pour rechercher des informations” se rapportant aussi bien au terrorisme qu’au crime organisé, mais aussi à la “protection des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France”, ce qui vise, selon nous, l’espionnage industriel.
En octobre dernier, en réponse à une question sur la NSA, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait lancé : “La sécurité est une exigence, mais elle ne doit pas être garantie à n’importe quel prix, elle ne doit pas porter atteinte aux libertés ni à la vie privée : c’est la position de la France.” Mais oui, bien sûr [en français dans le texte].
Source:The Wall Street Journal / Relayé par Metatv.org