A l’instar de Li Jianhua, un citoyen chinois chargé de réglementation bancaire, ayant pendant 26 ans «placé la cause du parti et du peuple» avant sa propre santé, et mort de crise cardiaque en juin dernier alors qu’il tentait de finir un rapport avant le lever du soleil, 600.000 personnes meurent tous les ans, en Chine, d’une activité professionnelle trop intense. Ce sont les chiffres de China Youth Daily, reprise par Business Week, qui donne aussi les chiffres de la radio d’État China Radio International: 1.600 décès de cette cause, par jour.
Depuis près d’une décennie, des histoires comme celle de Li Jianhua se multiplient dans les médias. En 2006 déjà le China Labour Bulletin consacrait un article au problème,énonçant notamment les cas de décès de Liu Yunfang, un travailleur textile du Fujian, ayant souffert d’une crise cardiaque causée par un pur problème de surcharge de travail. De Hu Xinyu, ingénieur de Shenzhen mort d’épuisement après des heures de travail excessives pendant plus d’un mois. Ou encore de He Chunmei, femme de 30 ans employée dans une compagnie du Guangzhou, qui s’était effondrée sur la route en sortant de l’usine: elle avait fait des heures supplémentaires et n’avait dormi que 6 heures sur une période de 72 heures.
L’État, loin de faire de ces morts des victimes d’un système qu’il faut changer, les érige en héros, à la manière d’un Stakhanov dans l’URSS des années 30, montré en exemple pour les charges de travail incommensurables qu’il effectuait dans les mines… La Chine se cherche de pareils héros depuis des décennies. Elle a ainsi accaparé Lei Feng, membre du parti communiste chinois, né en 1940 et mort à 22 ans, qu’elle célèbre annuellement en mars, pour sa «dévotion» et ses «bonnes actions»… Et se comporte de la même manière aujourd’hui quand des salariés meurent. Li Jianhua a ainsi été fêté par ses employeurs qui l’ont qualifiés de «modèle pour les membres du parti et les cadres de la commisssion de réglementation bancaire de Chine», invitant à «apprendre du camarade Li Jianhua, chacun devant être comme lui, toujours ferme dans ses idéaux et ses croyances, fidèle à l’intérêt général, loyal à la cause du parti et du peuple menant une lutte incessante en sacrifiant tout le reste», note Business Week.
«La Chine est encore une économie en croissance, et les gens croient encore à cette éthique du travail dur» selon Jeff Kingston, directeur des études d’Asie à la Temple University à Tokyo, au Japon. «Ils n’en sont pas encore au stade de l’affluence, qui a mené au Japon à une remise en question des normes et des valeurs».
Sans compter qu’en Chine, la société mêle la recherche de richesse à une croyance traditionnelle qui consiste à faire passer le collectif avant les individus, rappelle Yang Heqing, de la Capital University of Economics and Business à Pékin. Au risque de mettre la santé de ces individus en très grand danger.
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Source : Slate / Par Charlotte Pudlowski, le 05.07.2014