L'édile, visé par une enquête sur un possible « détournement de fonds publics » au profit de son ex-compagne, s'estime victime d'une déstabilisation politique, à dix mois des élections municipales.
La vie politique lyonnaise est entrée en ébullition après la révélation par Le Canard enchaîné, mercredi 5 juin, de l'existence d'une enquête préliminaire visant le maire de la ville, gérard collomb. A dix mois des élections municipales, le Parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête sur un possible « détournements de fonds publics ».
Mercredi 5 juin, des perquisitions menées par les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ont eu lieu au domicile de l'ancien ministre de l'intérieur, au rez-de-chaussée d'un immeuble du 5e arrondissement de Lyon, et dans les bureaux de la mairie centrale, dans le 1er arrondissement.
L'affaire, déclenchée par un rapport provisoire de la chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, porte sur les conditions d'emploi municipal, entre 2009 et 2018,de Meriem Nouri, l'ancienne compagne de M. Collomb. Selon les magistrats de la chambre régionale des comptes, cités par Le Canard enchaîné, il aurait « fait bénéficier son ex-compagne de plusieurs emplois municipaux depuis plus de vingt ans ». A charge pour les enquêteurs d'établir un éventuel détournement de fonds publics.
« Un scénario à la Fillon »
Dès mardi soir, après avoir pris connaissance de l'article à paraître dans l'hebdomadaire, Gérard Collomb a publié un communiqué, dans lequel il donne des précisions sur les emplois de Mme Nouri, et dénonce une manœuvre politique.
« Je ne peux que m'étonner, alors que les conclusions de l'enquête administrative ne sont toujours pas connues, qu'on ait pu diffuser des informations tant inacceptables qu'intolérables et déjà largement propagées. Il n'échappera à personne les véritables raisons qui conduisent ceux qui ont pris l'initiative de diffuser de telles informations de m'atteindre, à dix mois des élections municipales. »
La garde rapprochée de M. Collomb reste officiellement muette, mais défend l'édile en off. « On a l'impression d'un scénario à la Fillon, avec une enquête qui s'accélère d'un coup, alors que les rumeurs bruissent depuis des mois, et que cet élément était connu. Mais à la différence de Fillon, on va voir qu'il n'y a pas d'emploi fictif dans cette histoire-là », assure un membre du premier cercle du maire de Lyon.
Relations « exécrables »
Dans son communiqué, gérard collomb retrace la carrière municipale de son ex-compagne. Agent non titulaire de catégorie C à partir de 1995, elle a été titularisée comme agent administratif en 2005. De 2005 à 2009, elle a été successivement affectée dans deux mairies d'arrondissement puis, à partir de 2009 et jusqu'à 2015, « elle est chargée d'une activité d'accueil et d'information de proximité sur des projets urbains ».
Selon M. Collomb, il n'est question d'aucun emploi fictif durant toute cette période. « On se souvient bien d'elle, elle était bien présente et même pas simple à gérer », appuie le maire d'un arrondissement concerné.
M. Collomb affirme qu'un « signalement de sa hiérarchie » a été fait pour la période 2015-2017, et qu'il aurait dès lors lui-même diligenté une enquête administrative avec « signalement » au procureur de la République, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale. « Ses relations avec son ex-compagne étaient exécrables depuis plus de quinze ans, sa séparation a été ultraconflictuelle ; il y a un paradoxe à lui reprocher une aide pour un supposé emploi de complaisance », assure un ancien proche du maire de Lyon.
En évoquant un règlement de comptes politique, M. Collomb laisse libre cours aux spéculations. A Lyon, la situation politique s'est tendue, ces derniers mois, avec l'émancipation de David Kimelfeld, président (La République en marche) de la métropole. Les deux hommes, naguère alliés et tous deux soutiens d'emmanuel macron en 2017, s'opposent aujourd'hui dans la double campagne à venir, pour la mairie et la métropole.
« Illusoire »
M. Kimelfeld, joint par Le Monde, reste très prudent, se refusant à tout commentaire sur l'enquête en cours. Il se garde d'accabler son concurrent : « Je travaille avec Gérard Collomb depuis 2001, c'est un homme qui respecte les règles, un homme honnête. Je suis sûr que Gérard Collomb saura faire preuve de sa probité. »
Le maire du 4e arrondissement de Lyon, propulsé président de la métropole au moment où Gérard Collomb est devenu ministre de l'intérieur, dément toute influence dans le cours des investigations en cours : « Le début de l'étude de la chambre régionale des comptes est bien antérieur à mon acte de candidature. C'est me prêter bien des pouvoirs de laisser supposer que j'ai manigancé une enquête, à la fois avec la chambre régionale et le Parquet national ! »
« Croire que le clan Kimelfeld est à la manœuvre est complètement illusoire », ajoute un membre du cabinet de M. Kimelfeld.
Source : Le Monde