Le bureau de l’Assemblée nationale a donné mercredi un large feu vert à de nouvelles règles pour les frais de mandat, avec un contrôle aléatoire de 120 députés par an. Mais il a finalement renoncé au remboursement sur justificatif.
Ce n’est pas la révolution de palais annoncée, mais “un ensemble de mesures cohérent”, comme l’a expliqué François de Rugy à la presse mercredi après-midi. Le bureau de l’Assemblée a donné mercredi un large feu vert à de nouvelles règles pour les frais de mandat, fixés dans une liste et soumis à justificatifs sur la quasi-totalité, avec un contrôle aléatoire de 120 députés par an. Les 22 membres du bureau ont adopté à une très large majorité, les trois questeurs s’abstenant, la liste des frais autorisés et interdits, ainsi que les modalités de contrôle par la déontologue, et de sanction par le bureau. L’Assemblée nationale se dote ainsi “du dispositif le plus complet à ce jour, qui encadre le périmètre des frais de mandat des députés et organise leur contrôle”, a salué François de Rugy dans un communiqué.
Au nom de la “souplesse”, la “présentation des justificatifs” abandonnée
Mais, fait notable, les députés n’auront finalement pas à faire des notes de frais pour justifier les remboursements de leurs dépenses. Les lois pour la confiance dans la vie politique laissaient aux députés le choix entre une “prise en charge directe”, un “remboursement sur présentation de justificatifs” et “le versement d’une avance dans la limite des plafonds déterminés par le bureau”. Le montant mensuel de l’avance sur frais de mandat reste fixé à 5.373 euros. Sur cette enveloppe, les députés disposeront d’une somme de 600 euros par mois pour leurs dépenses, sans justificatifs donc.
L’objectif est d’avoir une “souplesse”, par exemple lorsqu’ils font des dépenses en liquide lors d’une fête de village dans leur circonscription, selon des membres du bureau. En application des “lois confiance”, l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), enveloppe jusqu’alors quasi libre dans son usage, doit être remplacée au 1er janvier par ce nouveau dispositif. Dans les dépenses autorisées, figurent notamment “les frais liées à l’exercice du mandat : permanences, communication, transport…”, selon un membre du bureau.
Avant, il y avait très peu de contrôles, peu de justificatifs
Parmi les dépenses interdites figurent “tout financement, direct ou indirect, d’un parti politique; l’achat d’un bien immobilier ou la location d’un bien immobilier dont le député, son conjoint, ses ascendants ou descendants sont propriétaires; toute dépense déduite du revenu imposable, par ailleurs déclarée au titre de l’impôt sur le revenu”, a indiqué la présidence dans un communiqué. Ont aussi été exclus notamment les frais de garde, selon un élu. Marie Guévenoux (LREM) a défendu devant la presse des “décisions extrêmement importantes”, comme “le contrôle qui porterait sur 120 députés par an, de façon à ce que quasiment l’ensemble des députés puissent être contrôlés sur la législature”. Auparavant, “il y avait très peu de contrôles, peu de justificatifs, une simple déclaration sur l’honneur”, a-t-elle souligné, saluant une “clarification”.
Les doutes de l’opposition
L’opposition ne partage logiquement pas la même analyse. “Être sur la transparence est une bonne chose, mais attention à ne pas être si jusqu’au boutiste qu’on arriverait à une réforme qui ne porterait pas les résultats attendus”, a déclaré devant la presse une des porte-parole des députés socialistes, Ericka Bareigts. Elle a craint un dispositif “technocratique, qui empêcherait les députés d’être concentrés sur leurs tâches”, puisqu’ils devraient “faire de la comptabilité à bouts de ficelle”.
C’est la liberté même du député qui est en cause
Boris Vallaud, autre porte-parole du groupe Nouvelle Gauche, demande, lui, de “faire attention à ce que ce qu’on croit être de la vertu ne soit pas un moyen de réduire les moyens d’action des parlementaires et du Parlement”. Pour le Républicain Claude Goasguen, qui “craint des fuites”, “c’est la liberté même du député qui est en cause”. “C’est un contrôle qui peut être un contrôle politique. Rencontrer quelqu’un dans un certain cadre, préparer des négociations, ça reste de la souveraineté du député”, selon ce député réélu constamment depuis 1997.
Les contrôles, “mais avec quels moyens?”, s’est interrogé Olivier Falorni (non-inscrit), qui aurait préféré fusionner IRFM et rémunération du parlementaire, reprenant un argument déjà entendu l’été dernier à propos des lois de moralisation. Devant la presse, François de Rugy l’a assuré : la mission de contrôle sera assurée.
Source : http://www.lejdd.fr/politique/les-deputes-nauront-finalement-pas-a-faire-des-notes-de-frais-3506876