La dissolution de la Ligue de défense juive (LDJ) est aujourd’hui, selon nos informations, sérieusement envisagée par le ministère de l’Intérieur. L’association «d’autodéfense» communautaire, que ses adversaires considèrent comme une milice, s’est fait remarquer depuis 2001 par ses méthodes violentes contre ceux qu’elle qualifie d’ennemis d’Israël.
Condamnés – avec plus ou moins de sévérité – par de nombreuses autres institutions juives, ses membres ne sont qu’une poignée ; ils sont cependant accusés, comme certains propalestiniens radicaux, d’attiser les tensions intercommunautaires en France, alors que se succèdent les manifestations liées au conflit armé à Gaza.
«Motifs ethniques».«La DLPAJ [Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur] travaille à temps plein pour étudier la possibilité d’une interdictionde la LDJ, confie une source policière haut placée. Nous menons l’analyse la plus fine possible pour être certains que c’est faisable.» Le procédé, en effet, est encadré en droit. L’article 212-1 du code de la sécurité intérieure mentionne sept critères pouvant justifier une dissolution par décret en Conseil des ministres. Selon nos informations, deux d’entre eux pourraient être invoqués contre la LDJ. L’un concerne les groupes qui«provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence pour motifs ethniques ou religieux, ou propagent des idées encourageant cette discrimination», l’au tre ceux «qui présentent, par leur forme et leur organisation militaires, le caractère de groupes de combat ou de milices privées».
La LDJ, n’étant pas dotée de statuts légaux, n’est pas officiellement une association. Mais l’article 212-1 permet également la dissolution de «groupements de fait» – appliquée par exemple au groupe suprémaciste noir Tribu Ka en 2006, ou encore aux groupes d’extrême droite Jeunesses nationalistes révolutionnaires et Troisième voie de Serge Ayoub, en juillet 2013, suite à la mort du jeune Clément Méric. «En matière de dissolution, il n’y a strictement aucune différence entre une association et un groupement de fait, explique Nicolas Gardères, l’avocat de Serge Ayoub. Même non déclaré, un tel groupe émet des tracts, anime une page Facebook, organise des réunions, appelle à des rassemblements… Autant de choses que la dissolution interdit. Son logo ne doit plus apparaître.» Et si l’organisation poursuit malgré tout ses activités, ses dirigeants encourent des poursuites pour «reconstitution de ligue dissoute».
«Arts martiaux». Selon l’avocat (par ailleurs militant EE-LV), la LDJ répond à la définition d’une milice privée, en ce qu’elle présente «une organisation hiérarchique paramilitaire, l’obéissance de tous à un chef, des entraînements collectifs aux arts martiaux, une capacité à orchestrer des coups de forces». La dissolution du mouvement n’est, pour autant, pas encore une chose acquise. Les services juridiques de Beauvau veulent d’abord s’assurer que leur argumentaire est imparable. «On ne prendra pas le risque de perdre en justice contre la LDJ,explique une source policière. D’autant que depuis quelques années, ce mouvement s’efforce de présenter l’image la plus lisse possible, et que certains faits lui étant attribués sont peut-être prescrits.» Mercredi, les services du ministère ont d’ailleurs décortiqué la réponse du Conseil d’Etat au recours déposé par Serge Ayoub, qui contestait la dissolution de ses organisations. L’étude de l’arrêt, qui confirme deux dissolutions et en annule une, doit permettre de fortifier les arguments juridiques du gouvernement et de sécuriser une éventuelle procédure à l’encontre de la LDJ.
Les spécialistes des mouvements radicaux sont toutefois divisés sur l’opportunité des dissolutions. En effet, de telles organisations ont au moins l’avantage de concentrer les militants ultras, facilitant leur surveillance par les autorités. Elles canalisent leur engagement et évitent souvent les débordements les plus extrêmes. A l’inverse, une dissolution risque de disséminer et de livrer à eux-mêmes les éléments les plus radicaux.
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Source(s) : Libération / Par Dominique Albertini et Willy Le Devin, le 30.07.2014