C’est la première fois qu’on parle d’enfants soldats au Mali

Pour la première fois, le fait son entrée sur la liste de l' des pays où des enfants sont utilisés comme soldats ("list of shame"). Dans un rapport publié le 12 juin, les Nations unies s'inquiètent du sort réservé aux enfants dans le conflit qui oppose Etat malien et groupes armées rebelles. Salvatore Saguès, chercheur en science pour Amnesty International, rappelle que le recrutement et l'utilisation d'enfants soldats constituent une violation des droits de l'enfant, voire un crime de guerre si l'enfant est âgé de moins de 15 ans.

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Le phénomène des enfants soldats est bien connu en . Depuis longtemps, les groupes armés utilisent des mineurs au Tchad ou bien en République démocratique du . En quoi ce phénomène est-il nouveau en de l'Ouest ?
Ce n'est pas un phénomène nouveau en Afrique de l'Ouest, on se souvient des enfants soldats en Sierra Leone ou au dans les années 1990. Toutefois, c'est la première fois qu'on parle formellement d'enfants soldats au Mali. Les groupes armés rebelles – le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), ou encore Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) – enrôlent des mineurs. Mais ce qui est frappant, c'est que l'on trouve également des enfants dans les rangs des milices progouvernementales, qui sont soutenues, entraînées et financées par le gouvernement malien. Nous n'avons pas de preuve que ces enfants ont participé à la reconquête du Nord, mais nous avons la preuve que des enfants ont été entraînés à cette reconquête.

Comment sont recrutés ces enfants ?

Il arrive que des enfants décident de s'engager volontairement , des jeunes fascinés par une vie aventureuse. C'est bien souvent pour des raisons financières que les enfants entrent dans les groupes armées. Le Mujao, par exemple, promet des compensations pécuniaires aux parents ou directement aux enfants. La méthode des milices est diverse : les groupes armés passent des annonces sur les radios locales ou bien vont directement dans des écoles coraniques. Parfois, des enfants sont tout simplement vendus. Dans la région de Ségou, un groupe d'enfants talibe (étudiants d'une école coranique) a été vendu par le petit-fils du responsable de l'école, à la fin de l'année 2012, à un groupe armé islamiste.

Quel est le rôle de ces enfants soldats au sein des groupes armés ?

Il est très variable. Ils sont formés à l'art militaire. Certains affirment avoir été battus ou torturés, qu'on a tiré près de leur tête, juste pour les effrayer. Avant d'être envoyés sur la ligne de front. Dans les rangs du Mujao, on a repéré des enfants soldats, qui sortent souvent par groupe de six, fusils en bandoulière. Ils sont postés à des points de contrôle dans la région de Gao. Ils fouillent les voyageurs et les passants et recherchent surtout les cigarettes ou l'alcool, prohibés par ces groupes islamistes.

Que deviennent-ils ?

Certains enfants sont revenus, d'autres non. Ils sont peut-être morts, ou bien sont enrôlés dans d'autres groupes armés. On passe facilement du MNLA au Mujao, ce sont des groupes très poreux. Quelques-uns ont été arrêtés par les forces armées maliennes et françaises. Mais il faut absolument mettre en place un protocole. Quand l'armée arrête un mineur, il faut remettre ces enfants soient à l'Unicef ou au ministère de la famille du gouvernement malien.

Sait-on combien d'enfants combattent au Mali ?

On n'a pour l'instant aucun chiffre fiable. L'ONU parle de plusieurs centaines d'enfants soldats au Mali, c'est un chiffre qui me semble cohérent.

Quelles sont les solutions qui pourraient mettre fin à ce phénomène ?

Le Mali a une grande chance dans son malheur : la mission pour le maintien de la paix des Nations unies. Grâce à cette mission, les droits humains devraient être pris en considération, on va pouvoir faire valoir autre chose que les composantes économiques et militaires. Mais aujourd'hui, il est difficile de faire pression sur le gouvernement malien. Le pays est sous tension, il s'apprête à aller à des élections dans un climat de grande instabilité, alors que son unité nationale n'est pas garantie.
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Source: Coralie Pierret / Le Monde / Relayé par -

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