Les bonnes affaires des espions israéliens de Harvey Weinstein

L’agence privée de renseignements Black Cube a renoncé à son contrat pour Harvey Weinstein, visant à discréditer les accusatrices du producteur hollywoodien. Ce n’est pas la première fois que cette discrète officine fait parler d’elle

En octobre 2016, lorsque les informations relatives aux abus sexuels du producteur hollywoodien Harvey Weinstein ont commencé à se répandre, ce dernier a recruté l’agence privée de renseignements Black Cube pour tenter de discréditer les actrices l’accusant de viol et de harcèlement. Montant du contrat: 1,3 million de dollars.

Harvey Weinstein croyait avoir sonné à la bonne porte puisque l’officine israélienne est composée d’un peu plus de 100 anciens agents du Mossad et de l’Aman, les renseignements militaires de l’Etat hébreu. Des ex-agents de terrain bien sûr, mais également des recruteurs, des analystes, des psychologues, ainsi que d’anciens membres de l’Unité 8200, la structure la plus importante des renseignements militaires notamment chargée de la cyber-guerre et des interceptions électroniques.


Ce contrat était «une erreur»

Black Cube avait été recommandée à Harvey Weinstein par l’ex-premier ministre israélien Ehoud Barak. Mais l’intervention des agents israéliens, qui ont placé une ou plusieurs agentes dans l’entourage des plaignantes, n’a pas empêché le scandale Weinstein d’éclater, forçant Asher Tishler, l’un des administrateurs de l’agence, à reconnaître publiquement que ce contrat avait été «une erreur».

Pourtant, ce n’est pas la première fois que Black Cube fait parler d’elle. En effet, en avril 2016, quatre de ses recrues avaient déjà été arrêtées en Roumanie pour avoir tenté en vain de saper la réputation de la procureure Laura Codruta Kövesi, cheffe de la Direction nationale anti-corruption.

Bureaux à Paris et à Londres

Basée dans le centre de Tel-Aviv avec des bureaux à Paris et à Londres, Black Cube a été créée en 2010 par Dan Zorella et Avi Yanus, deux amis d’université qui ont longtemps travaillé pour les services de renseignement de leurs pays. Natif de Haïfa, le premier a été formé à l’action clandestine dans une unité opérationnelle d’élite des renseignements militaires. Il est aujourd’hui basé à Londres, où il supervise les opérations européennes de son entreprise. Quant au second, il en est le directeur financier.

A l’origine, Black Cube n’était qu’une petite structure de détectives privés comme il en existe des dizaines d’autres en Israël. Pourquoi a-t-elle surpassé ses concurrents? Parce que ses créateurs ont utilisé d’emblée les connaissances acquises durant leur carrière d’espions israéliens: la manipulation, les enregistrements clandestins, la création de fausses entreprises et de faux sites internet destinés à leurrer leurs «cibles».

Un président emblématique

Dès sa création, l’entreprise a bénéficié de l’appui bienveillant de Meir Dagan, le mythique directeur général du Mossad de 2002 à 2011. Après sa retraite, le maître espion, qui s’était fait connaître internationalement en organisant une campagne d’attentats et de «liquidations» visant à empêcher l’Iran de progresser sur la voie de l’arme nucléaire, a en effet servi de caution à Black Cube en rencontrant certains de ses clients potentiels.

Grâce à lui, l’entreprise est en tout cas passée du renseignement commercial classique à des opérations plus risquées – mais plus lucratives – pour le compte de gouvernements étrangers qui ne faisaient pas confiance à leurs propres services de renseignement nationaux. Jusqu’à sa mort en mars 2016, Meir Dagan a d’ailleurs présidé le conseil d’administration de l’agence privée. Là, il croisait quelques vieilles gloires de l’establishment sécuritaire israélien.

Crise financière asiatique

Mais Black Cube doit aussi son succès à la crise financière mondiale de 2008. Et à la faillite de la banque Kaupthing, la première institution financière islandaise alors en cessation de paiement. Une tragédie pour des milliers d’épargnants européens que le Serious Fraud Office (britannique) a notamment imputée à l’homme d’affaires Vincent Tchenguiz.

Jeté en pâture à l’opinion publique, le businessman aux abois a recruté l’officine privée, dont les hommes ont construit un dossier innocentant son client. Avec succès, puisque Vincent Tchenguiz a perçu 2 millions de livres de dommages et intérêts assortis des excuses publiques du SFO. Le jackpot pour Black Cube, qui a ainsi construit sa légende et vu les affaires délicates affluer.

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