Un écolo: «Vous savez le saumon d’élevage norvégien, c’est la nourriture la plus toxique du monde.»

Après l’enquête d’« Envoyé spécial », le lobby du saumon norvégien s’active. Dans cet excellent reportage diffusé jeudi sur France 2, on voyait confirmé ce qu’on commence à savoir depuis un bon moment : les poissons d’élevage sont bourrés de substances toxiques. Des produits chimiques utilisés dans leur nourriture et dans les substances avec lesquelles on les asperge.

En surpopulation dans leur cage, les saumons d’élevage tombent en effet plus facilement malades, infestés par des poux de mer. Un militant écologique norvégien raconte ainsi à « Envoyé spécial » :

« Dans les saumons, on trouve du diflubenzuron et toutes sortes de produits chimiques. C’est dégoutant, ces trucs. Vous savez le saumon norvégien, c’est la nourriture la plus toxique du monde. »

Le reportage n’a pas plu au Centre des produits de la mer de Norvège (CPMN). En septembre, cette organisation a signé un accord de collaboration avec le ministère des Affaires étrangères norvégien. Objectif : « Soutenir l’internationalisation, l’innovation et le marketing des produits de la mer de Norvège ».

C’est en vertu de ces ambitions que ce lobby a diffusé un communiqué en réaction à l’émission, signalé par une lectrice. On y apprend qu’en gros, il y a pas de problème de santé publique :

« Des résultats récents informent que le saumon norvégien est parfaitement sûr et sain. »

Mais aussi que l’élevage de saumon est « une activité transparente, réglementée et contrôlée » ou que « la priorité pour la Norvège est de produire des produits sains et sûrs à la consommation. »

Une chercheuse poussée vers la porte

Les arguments avancés par le document laissent cependant dubitatifs. Exemple :

« Tous les tests effectués sur le saumon d’élevage norvégien sont faits en accord avec la législation européenne et norvégienne. Ils sont rendus publics sur le site web du Nifes. »

Le Nifes est un institut de recherche étatique norvégien. Problème : on apprend justement dans le reportage qu’il a poussé vers la démission une chercheuse, qui avait étudié les effets sur la santé humaine de l’éthoxyquine, un additif présent dans la nourriture des poissons, .

Elle avait découvert des choses gênantes, comme elle le raconte à « Envoyé spécial » :

« J’ai découvert que l’éthoxyquine a le pouvoir de traverser la barrière hémato-encéphalique du cerveau. Or cette barrière a une fonction très importante. Elle sert à protéger physiquement votre cerveau contre les substances toxiques et aucune substance étrangère au corps humain n’est censée pouvoir la traverser. »

Un poisson nettoyeur qui mange les poux

Le CPMN a d’autres arguments pour défendre ses saumons. Au sujet des poux de mer notamment, le centre concède que « le diflubenzuron est parfois utilisé », mais tempère maladroitement :

« Les statistiques de 2012 montrent que l’utilisation de diflubenzuron est rare, et que les autres moyens de maîtriser les poux de mer sont utilisés en préférence.

La méthode de traitement la plus utilisée consiste à introduire un “ poisson nettoyeur ” (dit “ vieille commune ”) dans les bassins. Les poissons nettoyeurs mangent les poux présents sur la peau du saumon. »

Miam miam tout ça. A lire le communiqué, on a presque l’impression de lire les arguments vintages des fabricants de tabac quand ils assuraient que le tabac était bon pour la santé.

Difficile pourtant d’oublier qu’en juin, comme Rue89 le rappellait, le gouvernement norvégien a émis « une nouvelle recommandation, forcé de reconnaître – tardivement – que ce poisson gras est aussi bourré de produits toxiques ».

Un lobby allié à la diplomatie norvégienne

En même temps, fallait-il s’attendre une meilleure réponse du CPMN à des accusations aussi graves ? Le communiqué précise :

« Le CPMN a été créé par le ministère norvégien de la pêche en 1991 afin de renforcer la notoriété des produits de la mer de Norvège de par le monde. Ses activités sont financées par le secteur de la pêche et de l’aquaculture via un prélèvement sur les exportations des produits de la mer. »

Par e-mail, j’ai demandé à notre blogueuse en Norvège, Diane Barbain, de nous dire son avis sur la question. Secrétaire des Verts au conseil municipal de Bergen, elle critique l’accord signé en septembre entre le CPMN et le ministère des Affaires étrangères :

« Le Centre est localisé avec les services de la diplomatie norvégienne à l’étranger, et bénéficie d’un statut de diplomate et de l’adresse de l’ambassade de Norvège en France. »

C’est que la France est un marché essentiel pour les producteurs de saumons norvégiens. De l’aveu même du CPMN, dans son communiqué :

« La France est le second marché d’exportation pour les produits de la mer de Norvège avec environ 671 millions d’euros par an, ce qui fait également de la Norvège son plus gros fournisseur en matière de produits de la mer.

La France est également le premier marché d’exportation de saumon de Norvège avec 136 000 tonnes importées en 2012. »

Le saumon est la deuxième ressource économique de la Norvège, après le pétrole.

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Source: Rue89 (par René Greusard) / Relayé par Meta TV

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