L’égalité entre les hommes et les femmes est importante, c’est entendu. Rien ne justifie que l’on discrimine quelqu’un pour son appartenance à un sexe ou l’autre, nous sommes d’accord.
De là à encourager les garçons de toute une académie à porter des jupes et se maquiller, il y a un grand pas, que le rectorat de Nantes n’a pas hésité à franchir. C’est ainsi qu’il a invité des élèves à lutter contre les discriminations faites aux femmes et à "continuer le combat" en se déguisant en femmes, vendredi prochain, le 16 mai 2014.
Les responsables des lycées concernés se sont sans doute senti pousser des ailes à la lecture des instructions très officielles, publiées sur le site de l’Éducation Nationale: les élèves et les adultes, filles et garçons des établissements sont invités à "porter une jupe ou un autocollant « je lutte contre le sexisme, et vous ?"
Et les responsables du projet de se réjouir : "chaque établissement s’est emparé des propositions d’animation des élus au CAVL : cafés citoyens, débat sur la pause méridienne avec supports filmographiques et romans-photos, entrée dans l’établissement en piochant des citations stéréotypées qui invitaient les élèves à s’interroger sur les préjugés, série d’affichage, etc".
L’année dernière, "la jupe a été portée hors des établissements" également – notez la forme passive, personne n’est responsable – lors des trajets, de façon a susciter"le buzz" comme on l’écrit élégamment sur la page réservée à ce projet. Réjouissons-nous alors ! Mais en ces temps de relativisme et d’indifférenciation généralisés, les passants ont-ils été véritablement surpris ?
Le rectorat a tout prévu. À ceux qui souligneraient qu’il est des objectifs plus urgents, que le temps d’enseignement est précieux et que le lien avec les programmes est ténu, voire inexistant, voici ce qu’il rétorque :
- Il y a bien un besoin puisqu’il y a à l’origine de cette action un "sentiment de discrimination partagé par les élu(e)s au CAVL".
- Il y a également un objectif pédagogique: "créer un processus de réflexion intégrant un temps fort pour lutter contre les discriminations, le sexisme et les préjugés."
Inclinons-nous devant une telle maîtrise de la langue de bois. Ils sont très forts! En effet, comment espérer que les élèves apprennent l’algèbre ou découvrent la littérature alors qu’ils se sentent discriminés ? Il y a des priorités tout de même.
Bref, chaque établissement a pu organiser l’événement à sa manière mais toujours "dans le respect de chacun" et surtout,"de la convivialité". Voici par exemple le courrier adressé aux élèves du lycée Georges Clemenceau de Nantes :
"La lutte contre le sexisme est un combat quotidien, c’est pourquoi la commission Anti-Discrimination/Citoyenneté du Conseil Académique a la Vie Lycéenne a élaboré une journée académique de sensibilisation contre le sexisme.
Le lycée Georges Clemenceau participe à cette journée, le Vendredi 16 mai. Une journée de réflexion sur les différences entre filles/garçons, sur le sexisme au sein du lycée et sur toutes formes de discrimination.
Le vendredi 16 mai, les élèves autant que les adultes , filles et garçons sont invités à porter une jupe , du rouge à lèvres rouge, ou un autocollant "je lutte contre le sexisme, et vous ?" afin d’affirmer leurs participations à cette journée.
Au cours de cette journée, un mur d’expression ainsi qu’un livre d’or seront mis à la disposition des élèves, afin de recueillir leurs impressions sur le sujet. Des courts métrages traitant du sexisme seront diffusé (sic) au sein du lycée, et un atelier photo sera mis en place afin de préserver un témoignage visuel de cette journée.
Nous vous invitons chaleureusement à participer activement à cette action en venant le Vendredi 16 mai, vêtu d’une jupe, ou/et les lèvres maquillées.
Signé : Le Comité de la Jupette."
Tant d’enthousiasme et d’implication engendreront sans doute un taux de participation important, voire supérieur à celui de la première édition, l’année dernière (40 % de participants mais le site ne précise pas s’il s’agit de 40 % de garçons déguisés en femmes ou 40 % d’élèves présents aux différentes animations).
Si la neutralité est mal vue, mais peut à la rigueur s’expliquer par "un manque d’explicitation de l’action, une information tardive, ou le manque de soutien des équipes éducatives", on ne dit pas quel sort est réservé à ceux (ou celles, car il y a probablement des jeunes filles que ces initiatives ne réjouissent pas) qui se montreraient carrément récalcitrants.
Vous pouvez consulter la fiche détaillant ce projet du rectorat de Nantes sur le site de l’Éducation Nationale, espace "expérithèque" (bibliothèque d’expérimentation pédagogique!)
http://eduscol.education.fr/experitheque/consultFicheIndex.php?idFiche=9913
Page Facebook de l’événement "Ce que soulève la jupe".
https://www.facebook.com/CeQueSouleveLaJupe
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Source(s) : Théorie du Genre / Par toscane7, le 13.05.2014