Albert Rivier : Retraité avec 794 euros/mois, j’ai fait une grève de la faim pour faire valoir mes droits

Albert Rivier a 68 ans. Aujourd'hui à la retraite, cet ancien menuisier originaire de l'Isère perçoit chaque mois une pension de 794 euros par mois. Une retraite qui est loin de satisfaire ses besoins du quotidien. Furieux, il a débuté une grève de la faim le 26 juin dernier, qu'il a dû suspendre pour des raisons médicales. Si sa situation n'évolue pas, il n'exclut pas de reprendre le mouvement.

Depuis le 26 juin 2014, je ne me nourris plus, je ne fais que boire de l'eau à longueur de journée. Ulcérés par nos faibles retraites, nous avons décidé avec deux autres personnes d'entamer une grève de la faim.

Assis toute la journée sur des chaises peu confortables, protégés par une épaisse couverture, nous dormons sur place.

Sans trop bouger, dans l'humidité des Avenières, je m'aide de ma canne pour faire quelques pas, mais les conditions de vie ne sont pas très agréables.

Surtout quand, comme moi, on s'est fait arracher quatre dents quelques jours auparavant. Finalement ne pas manger, ce n'est pas si mal.

Ancien menuisier avec 794 euros/mois

J'ai eu une famille, quatre enfants et j'ai même pu me construire une villa. Une vie normale en somme. Aujourd'hui à 68 ans, il ne me reste plus grand-chose. Je suis séparé de ma femme, la maison a été revendue et je vois peu mes enfants.

Tous les mois, je reçois une pension de 794 euros. Une misère quand on a travaillé depuis ses 15 ans comme menuisier. Je ne peux pas me payer un loyer décent, alors je vis dans mon ancien établi.

Entre la taxe foncière, la taxe professionnelle, les frais de , les factures et internet, j'ai du mal à m'en sortir. Je fais des économies en allant dans des supermarchés discount, mais ça ne suffit pas.

Cette situation, je n'ai rien fait pour la provoquer, j'ai travaillé toute ma vie, mais certains trimestres n'ont pas été comptabilisé dans ma retraite.

30 trimestres travaillés aux oubliettes !

Le 26 septembre 1961, j'avais 15 ans et j'ai signé un contrat d'apprentissage en menuiserie. Un peu naïf, j'ai travaillé pendant trois ans sans recevoir aucune gratification. À l'époque, la réglementation était bien plus compliquée.

Puis, il y a eu l'armée. J'ai dû poser mon tablier de menuisier pendant 16 mois. Là, les trimestres ont bien été pris en compte par l'État, mais ce dernier n'a jamais rien versé à ma caisse d'assurance vieillesse.

Par la suite, j'ai eu un accident du travail à cause duquel j'ai été immobilisé 18 mois. Au total, pas moins de 30 trimestres ont disparu. N'ayant le droit à aucune allocation, je dois me contenter de ma pension.

“Regardez ces cons sur leur transat”

J'ai écrit à tous les ministres du gouvernement. Personne ne m'a répondu alors j'ai envoyé une carte de vœux pour les remercier de ne pas m'avoir répondu.

Seul , ministre de la Défense en charge des anciens combattants, m'a finalement écrit pour me dire qu'il ne trouvait pas mes 16 mois de service militaire. Non, je ne les ai pas rêvés.

Je ne suis pas le seul dans cette situation. Pour cette grève de la faim, je suis accompagné de deux forains dont la pension est encore plus faible.

J'ai bien conscience que certaines personnes se disent : “Regardez ces cons sur leur transat qui embêtent le monde”. Mais moi, je m'en fous. Ce n'est pas normal de voir des gens qui ont bossé toute leur vie et qui se retrouve en fin de vie avec trois francs six sous.

L'État doit agir et vite

Aujourd'hui, je suis outré. Je ne comprends pas l'inaction du gouvernement. Il y a des milliers de gens qui sont seuls, qui n'ont pas de familles pour les aider, même si je me dis que ce n'est pas aux proches de les aider mais à l'État.

Nos revendications sont simples. Nous demandons à ce que les contrats d'apprentissage précédant 1979 soient pris en compte, que l'État accepte le fait de n'avoir rien versé à ceux qui ont fait leur service militaire et surtout que toutes les retraites soient indexées sur le SMIC.

Jeudi, j'ai dû arrêter ma grève de la faim pour être hospitalisé, mais j'espère bien que notre message trouvera un écho. Si ce n'est pas le cas, je ne lâcherai rien et je retournerai sur ma chaise jusqu'à ce qu'on m'entende.

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Source : Le Nouvel Observateur / Par Albert Rivier, le 06.07.2014 / Relayé par

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