En 2016, lors de son service civique à l’Auberge des migrants, Loan Torondel a vécu de l’intérieur le démantèlement de la jungle de Calais. Un an après, la situation sur place a empiré. Témoignage.
« C’était l’enfer. » Loan Torondel se souvient avec précision des scènes « surréalistes » auxquelles il a assisté lors du démantèlement de la jungle de Calais, il y a un an presque jour pour jour.
À l’époque en service civique à l’association l’Auberge des migrants, le Fouesnantais d’à peine 20 ans continue aujourd’hui sa mission sur le terrain, à Calais, en tant que salarié.
Lors d’une soirée-discussion, organisée lundi à la MPT de Penhars, par la section quimpéroise de la Ligue des droits de l’Homme, il a tiré la sonnette d’alarme. À l’aube de la saison hivernale, la situation actuelle à Calais « est encore pire qu’au temps de la jungle ».
« Une scène de guerre »
Baigné dans le monde associatif depuis l’enfance, Loan décide, après des études décevantes d’ingénierie, de s’y consacrer à plein-temps.
Il atterrit, en août 2016, à l’Auberge des migrants dont la mission, depuis 2008, est d’apporter de l’aide alimentaire et matérielle ainsi qu’un accompagnement juridique et administratif aux réfugiés des camps de Calais et Grande-Synthe.
Le jeune homme est alors en charge de la préparation en amont du démantèlement de la jungle calaisienne, annoncé pour le 24 octobre 2016, par le gouvernement. Le jour J, Loan le décrit comme « une scène de guerre ».
« C’est nous qui avons fait les pompiers »
« Le camp était dévoré par les flammes. On portait les enfants dans nos bras, on essayait de sauver du matériel. Les pompiers, pourtant présents sur une zone industrielle voisine, ne sont jamais intervenus. Nous avons été abasourdis d’entendre, le lendemain, les remerciements de Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, à leur égard. C’est nous qui avons fait les pompiers. On était en tenue ignifugée avec des extincteurs. S’il n’y a pas eu de victimes, c’est grâce aux associations. »
Loan pointe directement la responsabilité de l’État, dont l’erreur a été de « vouloir faire du spectaculaire alors que rien n’était prêt ».
700 migrants revenus sur les cendres de la jungle
Et les conséquences de cette précipitation se ressentent une année plus tard. « Plus de 700 migrants sont revenus depuis, dont plusieurs mineurs qui n’ont pas été pris en charge au moment du démantèlement, comme cela avait été pourtant promis. »
La situation serait même pire qu’avant « puisque tout a brûlé. Il n’y a plus aucune structure. Les migrants sont éparpillés dans Calais. Et en voulant lutter contre les fameux “points de fixation” et éviter la reformation d’une jungle, l’État rend les conditions de vie des migrants inhumaines. Lors d’ “opérations de nettoyage”, les services municipaux jettent leurs sacs de couchage. Les forces de l’ordre les réveillent à 6 heures du matin et gazent leur nourriture. Ils entravent également toutes actions associatives en nous pourchassant lors des distributions. On veut nous avoir jusqu’à l’épuisement ».
Une situation pré-crise humanitaire
Et à l’approche de l’hiver, l’inquiétude du jeune homme est grandissante : « Des maladies arrivent comme la galle, le ” pied des tranchées ” et la tuberculose. On est à l’aube d’une crise humanitaire. »
Une situation dont Loan ne désespère pas pour autant. Il compte bien continuer son combat, dans un silence politique et médiatique assourdissant.
Source : Ouest France