Jörg Asmussen, secrétaire d’État allemand au Travail explique pourquoi le Parlement a voté l’instauration d’un salaire minimum dans son pays.
Symbole des concessions du clan Merkel à l’allié social-démocrate dans le gouvernement de grande coalition, le salaire minimum généralisé a été voté par les députés allemands ce jeudi 3 juillet, à une écrasante majorité (535 voix sur 601 suffrages exprimés). Il est fixé à 8,50 euros de l'heure. A titre de comparaison, le SMIC français s'établit à 9,53 euros. Entretien exclusif avec un des artisans de la loi, Jörg Asmussen, secrétaire d’État au travail et ancien membre du directoire de la BCE, qui évalue aussi l’impact de ce texte sur l’Europe.
La loi sur le salaire minimum en Allemagne a été adoptée jeudi 3 juillet. Vous teniez beaucoup à ce que le calendrier soit tenu. Pourquoi ?
Oui, il était important pour nous que le texte passe avant l’été. Ceci permettra au salaire minimum généralisé de 8,50 euros d’entrer en vigueur début 2015, comme prévu dans le contrat de coalition. Ainsi serons-nous le 22ème pays de l’Union européenne à adopter un salaire minimum. C’est quasiment un rattrapage!
Pourquoi un rattrapage ?
Dans l’idéal, il aurait été plus facile que l’introduction d’un salaire minimal généralisé aille de pair avec la mise en place de l’Agenda 2010. Cette concomitance aurait rendu les réformes –qui étaient nécessaires, mais qui ont été dures- plus acceptables politiquement et socialement.
En quoi ce nouveau texte symbolise-t-il un changement de mentalités en Allemagne ?
Les sondages donnent un taux d’approbation de près de 80% auprès d’une population, dont le besoin de justice sociale est allé croissant. Dans le passé, les accords tarifaires avaient introduit un niveau minimum de rémunération. Mais dans les Länder de l’Est, plus de la moitié des salariés ne sont pas couverts par un accord tarifaire, et touchent une rémunération inférieure à ce niveau. Aujourd’hui il est admis par la majorité des Allemands que le travail doit apporter valeur et dignité (ndlr "Wert und Würde", en allemand)
Beaucoup d’économistes anticipent un impact négatif, notamment en terme d’emplois, de la nouvelle loi. Sur quoi tablez-vous ?
Certains instituts, comme l’Ifo à Munich, évoquent 900.000 emplois perdus. Nous ne partageons pas cette analyse. Nous nous attendons, au contraire, à ce que la loi donne un vrai coup de fouet à l’économie. Près de quatre millions d’Allemands vont bénéficier d’une hausse de rémunération, ce qui va encourager la consommation et augmenter les entrées dans les caisses de l’État.
Cette mesure permettra-t-elle de corriger les déséquilibres économiques au sein de l’Union européenne, notamment entre l’Allemagne et l’Europe du Sud ?
Elle peut contribuer –mais contribuer seulement- à surmonter les déséquilibres, en stimulant la demande intérieure allemande. Mais, attention, ce n’est qu’une contribution, ce n’est pas la solution. Il faudra, en complément, une forte augmentation des investissements aussi bien publics que privés.
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Source : Challenges / Par Sabine Syfuss-Arnaud, le 03.07.2014 / Relayé par Meta TV