Les plaquettes du sang jouent un rôle insoupçonné à ce jour dans la réponse immunitaire du corps humain, ont établi des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université Laval à Québec.
Le rôle central des plaquettes sanguines dans la coagulation du sang et la cicatrisation est bien connu.
Le Pr Éric Boilard et ses collègues affirment qu’elles font office de premières répondantes immunitaires lorsqu’un virus, une bactérie ou un allergène entre dans la circulation sanguine.
Le saviez-vous ?
Les plaquettes sanguines, également appelées thrombocytes, sont des cellules dépourvues de noyau fabriquées au niveau de la moelle osseuse. Elles sont l’un des éléments qui composent le sang avec les globules rouges et blancs. Un taux normal de plaquettes permet d’éviter une hémorragie (taux trop bas) ou encore des caillots dans le sang (taux trop élevé).
La réponse inflammatoire
Lorsqu’un corps étranger apparaît pour la première fois dans le sang, il entraîne la formation d’anticorps qui se collent par la suite à l’intrus, formant des complexes antigène-anticorps qui déclenchent une réponse inflammatoire.
La médecine savait déjà que les plaquettes sanguines possèdent des récepteurs qui reconnaissent ces complexes antigène-anticorps. C’est d’ailleurs cette connaissance qui a mené l’équipe québécoise à les soupçonner de participer au processus inflammatoire.
Pour établir ce rôle, l’équipe a créé dans le sang de souris des complexes antigène-anticorps à l’aide d’un virus, d’une toxine bactérienne et d’une protéine allergène.
Les résultats montrent que, dans les trois cas, la réponse a été similaire. Les rongeurs ont montré les symptômes classiques de l’état de choc septique ou anaphylactique :
- une baisse de la température corporelle;
- des tremblements;
- une altération des fonctions cardiaques;
- une vasodilatation;
- une perte de conscience.
Les chercheurs ont ensuite refait les mêmes tests avec des souris chez lesquelles ils avaient éliminé presque toutes les plaquettes ainsi qu’avec des souris dépourvues de récepteurs des complexes antigène-anticorps sur les plaquettes.
Ces souris n’ont eu aucune réaction physiologique.
Cela démontre clairement le rôle clé des plaquettes dans le processus. Ce sont les plaquettes, et non les globules blancs, qui sont les premiers acteurs à entrer en scène dans la réponse immunitaire.
Les chercheurs ont ainsi établi que l’état de choc des souris résultait de la libération de sérotonine par les plaquettes.
Il s’agit de la même molécule que le neurotransmetteur du cerveau, mais celle retrouvée dans les plaquettes est produite par des cellules de l’intestin.
« Les plaquettes entreposent la sérotonine. « Elles renferment 90 % de toute la sérotonine du corps et elles la libèrent dans certaines conditions », précise Éric Boilard.
Le saviez-vous ?
Un millilitre de sang comprend plus d’un milliard de globules rouges, 400 millions de plaquettes et environ 5 millions de globules blancs.
De nouveaux traitements
Cette découverte ouvre la porte à de nouvelles façons de traiter les patients en état de choc septique résultant d’infections virales ou bactériennes ainsi que les personnes atteintes de maladies auto-immunes comme l’arthrite rhumatoïde et le lupus.
Concrètement, ces travaux permettent d’établir que la transfusion de plaquettes aux patients en état de choc septique ou anaphylactique pourrait aggraver leur état en augmentant la quantité de sérotonine dans le sang.
La transfusion demeure importante, surtout que ces patients présentent souvent des taux de plaquettes très bas, mais pour prévenir cette éventualité il faudrait bloquer le récepteur du complexe antigène-anticorps sur les plaquettes avant la transfusion.
L’équipe évalue maintenant le rôle du récepteur des complexes antigène-anticorps des plaquettes dans les maladies auto-immunes comme l’arthrite et le lupus.
On pense qu’en bloquant ce récepteur, il serait possible d’améliorer l’état des malades sans affecter les autres fonctions des plaquettes.
Le détail de ces travaux est publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Un texte d’Alain Labelle
Source : Radio-Canada /