Entretien avec Pierre Hillard à l’occasion de la parution de “L’Histoire occultée : les origines secrètes de la Première Guerre mondiale” dont il devait écrire la préface… avant que celle-ci ne soit refusée par les deux auteurs Docherty et MacGregor.
L’échange porte évidemment sur le livre en question mais également sur d’autres sujets historiques et religieux.
Sébastien pour EQDV : Vous deviez préfacer l’ouvrage de Gerry Docherty et Jim MacGregor “L’histoire occultée : les origines secrètes de la Première Guerre mondiale”. Connaissez-vous les raisons qui ont poussé ces auteurs à refuser votre préface et que craignaient-ils selon vous alors que tout ce que vous avancez est soigneusement référencé et sourcé ?
Pierre Hillard : Ces auteurs apportent des informations de qualité concernant les causes profondes de la Première guerre mondiale. Ils présentent les rôles et les influences des élites politiques, économiques, financières, journalistiques et militaires d’un monde de plus en plus opaque au fur et à mesure que l’on avance dans les coulisses oligarchiques. Autant ils sont précis dans la description des dirigeants politiques et des grands hommes d’affaires comme Cecil Rhodes, autant ils sont vagues et limités sur l’action, ô combien décisive, des grandes familles bancaires comme Rothschild, Schiff, Cassel et autres. Docherty et MacGregor n’hésitent pas à écrire page 39 : « Bien qu’on ait mis au crédit de Rhodes d’avoir transformé le groupement de mines De Beers en plus grand fournisseur de diamants du monde, son succès était largement dû au soutien financier de Lord Natty Rothschild, qui détenait plus d’actions dans la société que Rhodes lui-même. » En lisant cela, automatiquement, mon réflexe est de m’intéresser à ce Natty Rothschild et aux autres membres de sa famille. Pourquoi faisait-il cela ? Comment les Rothschild se sont-ils installés en Grande-Bretagne sachant qu’ils sont originaires de Francfort ? Mariages et liens professionnels avec d’autres dynasties bancaires – mais aussi politiques avec Lord Roseberry – étaient de mise pour cette famille. Par conséquent, étudions ces autres familles appartenant à des dynasties financières juives. Pourquoi ces alliances ? Quels objectifs ? Quelles références religieuses au sein de ces familles ? Pourquoi un tel acharnement dans une direction bien ordonnée ? Pourquoi la « Déclaration Balfour » (en fait d’Alfred Milner) a-t-elle été adressée à un Rothschild ? L’arrière-fond de tout cela est spirituel car lié à des référents sabbatéo-frankistes. On touche au cœur nucléaire de l’histoire du monde depuis 2000 ans. Nos auteurs écossais sont, par certains aspects, rebelles dans leurs écrits. Cependant, ils ont leurs limites d’autant plus que je doute qu’ils soient imprégnés d’un catholicisme traditionnel. Ce manque les rend aveugle sur ce point capital.
S : Dans son « Atlas historique », l’historien français Georges Duby présente ainsi les causes menant à la Première Guerre mondiale : « La montée des nationalismes, l’impérialisme économique et naval de l’Allemagne, l’antagonisme germano-slave dans les Balkans et la course aux armements de la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne, Russie) et de la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) font de l’Europe de 1914 une « poudrière ». L’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche (Sarajevo, 28 juin 1914) déclenche la Première Guerre mondiale. » Que pensez-vous de cette vision de l’histoire ?
PH : Georges Duby souligne des raisons valables qui ont alimenté la Première guerre mondiale. Cependant, ces causes sont secondaires sans être, bien entendu, marginales. Elles se sont surajoutées sans être pour autant le moteur de la guerre. La création d’un foyer juif en Palestine lié au contrôle de la production d’hydrocarbures au Moyen-Orient, sans oublier les conséquences stratégiques, est la racine expliquant le déclenchement de la Première guerre mondiale. Comme je l’ai démontré dans mon livre « Atlas du mondialisme », nous avions une rivalité entre clans sionistes. Le clan sioniste allemand voulait les deux éléments précédemment cités (foyer juif et hydrocarbures) sous la direction de Berlin, tandis que l’autre clan sioniste anglo-saxon voulait la même chose, mais sous la direction de la City de Londres. Les propos de Georges Duby c’est, si je puis dire, la vision hygiénique de l’histoire. On n’évoque pas les causes profondes et sales.
S : Il apparaît clairement que les dirigeants politiques britanniques de l’époque (mais pourquoi cela aurait-il changé ? …) étaient sous la coupe d’une « Elite secrète » (concept pas très éloigné de ce que Peter Dale Scott appelle l’Etat profond). Depuis quand peut-on déceler ces influences que le grand public ne perçoit pas ? La Magna Carta de 1215 représente-t-elle un moment décisif dans ce mouvement de bascule du pouvoir vers quelque chose de plus « souterrain » ?
PH : La défaite anglaise à Bouvines, le 27 juillet 1214, a été décisive dans le bouleversement des structures politiques du pays. En effet, les élites nobiliaires se révoltent face à l’autorité royale et imposent, en juin 1215, une autorité avec laquelle le pouvoir royal doit tenir compte en particulier, et c’est l’essentiel, dans la levée des impôts. Nous assistons à la naissance d’une oligarchie représentant des particuliers traitant avec l’autorité politique et, l’argent étant le maître de la guerre, imposant ou monnayant ses vues. Les exemples sont nombreux. Rappelons seulement la puissance de cette compagnie commerciale et coloniale, la British East India Company (BEIC, la Compagnie britannique des Indes orientales), créée en 1600 par Élisabeth 1ère. Dotée de compétences politiques, financières et militaires, elle a préparé l’avènement de l’Empire britannique.
Menasseh ben Israël |
S : Les liens entre une certaine oligarchie aux vues messianistes et l’Angleterre sont-ils toujours aussi forts aujourd’hui ou bien se sont-ils distendus avec le temps ?
PH : L’alliance conclue au XVIIè siècle entre Cromwell et Menasseh ben Israël permettant la bascule de la puissance financière juive des Provinces Unies (les Pays-Bas) vers l’Angleterre ne fut possible qu’en raison de l’instauration d’une dynastie protestante (Guillaume III d’Orange). Depuis cette époque, le monde anglo-saxon n’est qu’un outil politique, économique et militaire dans cette affaire. Certains courants protestants qu’on appelle « dispensationalistes » (sorte de sionistes chrétiens) estiment, dans un cadre imprégné de millénarisme, que le chaos grandissant précède l’arrivée du Christ. Cela n’empêche pas des rivalités internes entre factions juives en particulier, en schématisant, des tensions violentes entre le clan Rothschild messianique du monde occidental s’opposant aux Loubavitch russes soutenant Poutine. Il faut rappeler, en se rapportant aux travaux du spécialiste Gershom Scholem, que les Loubavitch promeuvent une « neutralisation du messianisme ». Cela ne veut pas dire que ces derniers suppriment cet idéal. En réalité, ils ne le mettent pas au centre de leurs préoccupations religieuses (avec des variables toutefois). En dehors de ce point, les raisons énergétiques, stratégiques et les tensions violentes, entre autres, au Moyen-Orient se rajoutent à ces oppositions spirituelles baignées à des degrés divers de messianisme.
PH : En effet, Bonaparte a enraciné et répandu les principes de la Révolution. Cependant, le cheval de course, si je puis dire, qui avait été déjà choisi ; c’est l’Angleterre avec l’alliance conclue entre Cromwell et Menasseh Ben Israel à partir de 1656. Cette situation était renforcée en raison de la bascule de la quasi-totalité de la population anglaise dans l’anglicanisme. La France révolutionnaire de Bonaparte devait traîner comme un boulet une bonne partie de la population française restée fidèle au catholicisme. Un tel décalage entre les instances politiques du pays maçonnisé et un peuple de France majoritairement fidèle à Rome ne pouvait que freiner les ambitions mondialistes de la synagogue et leurs acteurs comme les Rothschild. Qui plus est, à la fin du 18e siècle et début du 19e siècle, le monde britannique commençait à peupler de vastes territoires (Amérique du Nord, Australie, …), ces derniers devenant des multiplicateurs de puissance économique mais aussi de l’idéal mondialiste. La France de l’Ancien Régime devait être cassée car elle représentait le contre-modèle métaphysique (catholique) qu’il fallait absolument abattre. Sous le règne de Napoléon 1er, elle n’avait pas (et plus) ces atouts géopolitiques et financiers à l’échelle planétaire (vente de la Louisiane par exemple) indispensables à la synagogue.
S : La dynastie Rothschild s’est souvent abritée derrière des personnages tels que JP Morgan, les Warburg [notamment lors de la mise en place de la Réserve Fédérale américaine (1)] ou encore Jacob Schiff. N’a-t-elle pas aussi instrumentalisé la communauté juive pour arriver à ses fins ?
S : Plusieurs cercles sont à l’oeuvre au sein de l’Elite secrète. On peut discerner un cercle externe constitué des exécutants politiques (Churchill, Balfour, …), un autre moins exposé (Milner, Rhodes, ….) et un troisième protégé des regards du public se chargeant de financer les deux premiers. Sont-ce ces mêmes financiers qui déterminent la marche à suivre, est-ce qu’ils en sont les « grands architectes » ou bien n’existerait-il pas derrière eux, un quatrième cercle encore plus opaque qui serait le noyau de l’ensemble, la tête pensante de cette Elite secrète ?
Jacques Bainville |
S : A la fin de la préface vous faites allusion à “une humanité payant le prix fort de ces ambitions dont elle ne soupçonne même pas l’existence.” cela fait à mon sens écho aux écrits de Jacques Bainville dans “Les conséquences politiques de la paix” : « A des sommes prodigieuses de dévouement et de sacrifice répondent des abîmes d’ignorance. Grand est le nombre des hommes qui subissent, qui vivent, souffrent et meurent sans avoir interrogé. Petit le nombre de ceux qui cherchent à déchiffrer les causes pour lesquelles ils payent jusque dans leur chair. (…) D’ordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c’est-à-dire quand il est trop tard. Le principe de causalité, qui tourmente à peine les hommes, est encore plus indifférent aux peuples. (…) Pour que les conséquences apparaissent aux nations, il leur faut des catastrophes ou le recul de l’histoire. Elles se résignent à vivre entourées de forces invisibles, comme les génies des Mille et Une Nuits, qu’elles blessent sans le savoir et qui exigent des comptes tout à coup. »
Près d’un siècle sépare vos écrits de ceux de Jacques Bainville, pourtant, rien ne semble avoir vraiment changé, la grande majorité des hommes demeure cloîtrée dans un puits de méconnaissance et pire que cela, semble se complaire dans cet aveuglement…
PH : La raison est simple : la nature humaine ne change pas au cours des siècles. C’est peut-être triste mais cela a au moins un avantage concernant ceux qui cherchent les causes profondes ; cela interdit de rêver.
S : Constantin Leontiev faisait ce constat à propos de l’Europe de la deuxième moitié du XIXe siècle : « L’Europe, dans son ensemble, en est au stade de la simplification, ses éléments constitutifs se ressemblent beaucoup plus qu’auparavant, ils sont beaucoup plus monotones ; quant à la complexité des modalités du progrès, c’est une complexité rappelant celle de quelque processus pathologique horrible qui, pas à pas, conduit un organisme complexe vers la simplification du cadavre, de la carcasse et de la poussière. » Que vous inspire cette citation ?
PH : L’industrialisation, la démocratisation et l’uniformisation des esprits propre aux droits de l’homme ont contribué à un nivellement des esprits. On en vient en ce début de XXIè siècle à l’indifférenciation des sexes. L’altérité est remise en cause. À ce rythme, c’est la mort assurée de l’occident.
Cecil Rhodes |
Un loup se dissimulant sous une peau d’agneau… Le premier logo de la Fabian Society… |
S : Un dernier mot ?
PH : En histoire, la roue tourne.
(2) Le grappin est l’expression qu’utilisait Jean-Marie Vianney, le Saint curé d’Ars, pour désigner le Malin.
(3) Pour un aperçu du frankisme voir notamment : Jacob Frank et le mouvement frankiste de Alexander Kraushar.
(4) A ce propos : Richard de Cooudenhove-Kalergi et son projet pour l’Europe.