L’Assemblée nationale vient de retoquer un amendement de La France insoumise visant à permettre aux particuliers de refuser la pose d’un compteur Linky. La question reste pourtant ouverte, tant les décisions de justice en la matière semblent à ce jour contradictoires.
“Il ne peut être procédé à une installation de compteurs dits ‘intelligents’, tels les compteurs nommés Linky, Gazpar et équivalents, sans le consentement exprès et écrit des personnes dont le compteur permet de collecter et de transmettre des informations relatives à sa consommation”. Voilà l’amendement que défendait Loïc Prud’homme, député La France Insoumise (LFI) de la troisième circonscription de Gironde, le 7 février dernier. Mais la durée de vie de cette proposition a été bien courte : défendu dans le cadre du projet de loi sur la protection des données, l’amendement a été rejeté par 61 voix contre, 8 pour, et 10 abstentions.
Au-delà de l’échec de cette action parlementaire des Insoumis, Loïc Prud’homme a surtout voulu remettre dans le débat public la question de la possibilité de refuser la pose d’un compteur Linky, qui doit équiper 35 millions de foyers d’ici à 2021, alors que la Cour des comptes vient d’épingler le montage financier destiné à financer ces compteurs d’électricité. En effet, depuis déjà plusieurs années, le nouveau compteur voulu par Enedis (ex-ERDF), fait face à un mouvement de contestation de grande ampleur. À tel point que 449 communes françaises auraient déjà refusé l’installation de compteurs sur leurs terres, d’après le recensement opéré par le site militant POAL (Plateforme Opérationnelle Anti-Linky). Et c’est sans compter les cas où ce sont les particuliers, eux-mêmes, qui s’opposent à la pose.
Les raisons de la grogne sont multiples. Il y a d’abord la question de la protection des données personnelles : Linky capte notamment les données de consommation journalière des utilisateurs. Pour la Cnil, ce processus ne pose pas de problèmes puisque l’utilisateur donne son consentement avant l’envoi, ce qui est suffisant pour “garantir la confidentialité des données sur la vie privée”, rappelle l’Institut national de la consommation. Il y a ensuite un désaccord sur qui est réellement propriétaire du compteur. Certaines communes arguent qu’elles en ont la propriété comme ce sont elles qui sont chargées de distribuer l’électricité, tandis qu’Enedis se présente comme l’unique propriétaire. Il y a, enfin, des questionnements quant à la dangerosité de ces compteurs : plusieurs cas d’incendies de compteurs chez des particuliers ont déjà été recensés, et certains s’inquiètent des effets sur la santé des ondes électromagnétiques émises au moment de l’envoi de données par le Linky. Des études ont été menées par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), et prouvent que “les ondes émises par le système Linky sont inférieures aux plafonds prévus par les normes sanitaires définies aux niveaux européen et français”, a tenu à rappeler le gouvernement il y a quelques jours.
“À ce jour, l’ensemble des contentieux portés par les communes a été rejeté”
Lorsque des communes ont mis en place des arrêtés municipaux permettant de refuser la pose d’un Linky, où que de particuliers se sont directement opposés à l’installation du compteur par des agents d’Enedis, c’est devant la justice que les contentieux ont été tranchés. S’agissant des affaires opposant des collectivités locales à Enedis, Que Choisir rappelle que “à ce jour, l’ensemble des contentieux portés par les communes a été rejeté”. Les tribunaux ont plusieurs fois jugé qu’il était illégal pour un conseil municipal de délibérer contre la pose des compteurs en raison de son “incompétence sur cet objet”. Les communes ne peuvent pas non plus invoquer le principe de précaution puisque, dès 2013, le Conseil d’État a jugé que les Linky ne présentaient pas de risque.
Du côté des affaires concernant directement des particuliers, la justice a une position légèrement différente. En septembre dernier, Enedis a par exemple été condamné par le tribunal de grande instance de Grenoble, à verser la somme de 800 euros à un couple qui s’était vu forcé d’installer un compteur Linky à l’intérieur de leur logement. Sur ce point, Que Choisir rappelle que “si le compteur se trouve dans votre habitation et que vous avez exprimé votre refus du compteur, il pourrait être considéré [par la justice] qu’il y a violation de domicile”. A voir si d’autres jugements abonderont dans ce sens… En revanche, si le compteur se trouve “accessible par la voie publique”, sans nécessité de s’introduire dans votre logement, les agents Enedis pourront changer le compteur sans votre accord. Bref, on le voit l’affaire est encore loin d’être réglée…
Source : Capital